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Quels sont les principaux obstacles de la migration au numérique en Ouganda ? Dans quelle mesure la population sera-t-elle affectée par la migration, en quoi est-elle inquiète ? APCNouvelles a interrogé Moses Owiny, de notre membre WOUGNET, sur les défis et les nouvelles opportunités offertes dans le pays.

APCNouvelles : Pensez-vous que l’Ouganda réussira à terminer sa migration à la radiodiffusion numérique avant 2015, la date limite fixée à niveau international ?

Moses Owiny : Le pays ne va pour le moment pas aussi vite qu’on l’aurait souhaité. Si on compare l’Ouganda avec ses pays voisins, on est bien plus en retard que le Kenya et la Tanzanie. En termes de couverture, seule la région métropolitaine de Kampala, la capitale, a été activée, et le reste du pays n’est pas encore passé au numérique. Le régulateur, la Uganda Communications Commission, prévoit que l’ensemble du pays sera couvert d’ici le 21 décembre de cette année, mais cela ne semble pas réaliste selon les organismes de la société civile qui travaillent à ce sujet.

Pourquoi ce retard du gouvernement selon vous ?

Depuis que le pays s’est engagé à migrer au numérique lors de la Conférence de radiocommunication régionale organisée par l’Union internationale des télécommunications en 2006, le gouvernement a mis en place diverses politiques, mais il manque de volonté politique pour faire avancer le processus. En plus de cela et d’autres problèmes inhérents aux gouvernements (corruption, bureaucratie, etc.), rien n’est fait pour installer les infrastructures de base comme les équipements de transmission numérique, probablement en raison des élections qui approchent et qui rendent ce processus non prioritaire pour les autorités, ou alors les politiciens tentent de tirer un profit politique de tous ces processus. Autre problème, l’Ouganda n’a qu’un seul distributeur de signal, la Uganda Broadcasting Corporation, qui a obtenu de diriger le processus pendant cinq ans. Si nous avions plusieurs transporteurs de signal, notamment du secteur privé, la vitesse aurait probablement été augmentée.

Quelle est votre stratégie au vu de cette situation ?

Si on veut influencer le processus, on sait qu’il faut se baser sur des faits, et c’est ce qui nous a amenés à proposer une étude permettant de comprendre les problèmes sousjacents dans toutes les régions du pays. Ce document nous permettra de mieux connaître le sujet, de pouvoir discuter avec le gouvernement de ses politiques, et d‘être plus efficaces dans notre plaidoyer. Nous incluerons également le régulateur, le transporteur national et d’autres parties prenantes, puisque jusqu‘à présent aucun plaidoyer n’a encore été fait et que la plupart des organisations de la société civile ont été tenues à l‘écart. Nous devons également sensibiliser le public à l’importance du sujet, et c’est pourquoi nous proposons d’organiser des émissions de radio régionales qui permettront d’expliquer les questions inhérentes à la migration au numérique aussi bien que possible à tous les citoyens.

La migration au numérique est un sujet très technique. Comment comptez-vous faire comprendre son importance au public ?

Nous leur expliquons tous les avantages qu’il y a à migrer du système analogue au numérique, et surtout qu’ils auront, en tant que consommateurs, accès à des produits de meilleure qualité (pour les images et le son). Autre bénéfice, la libération de beaucoup plus de spectre, qui permettra à plus de médias de fonctionner. Les entreprises privées seront davantage incitées à y investir, et il y aura plus de possibilités laborales pour tout le monde.

Mais les consommateurs doivent savoir qu’avec la transition, ils devront acquérir de nouveaux décodeurs s’ils veulent pouvoir profiter de la diffusion numérique. De plus, après la connection, ils ne pourront plus utiliser leurs vieux appareils pour accéder à la transmission numérique, et il est donc important qu’ils comprennent toutes ces questions liées à la migration au numérique. Bien entendu, quand on parle aux gens ils ont toujours de nombreuses questions comme : « Est-ce que cela signifie que mon vieux téléviseurs ne marchera plus ? Que va-t-il se passer avec mes décodeurs, avec la télévision par satellite ? Que va-t-il arriver si on a deux téléviseurs à la maison ? » Les gens ont peur et ils paniquent parce qu’ils ne comprennent pas encore tout le processus. Nous avons obtenu ces réactions au cours d’un atelier que nous avons organisé récemment avec le soutien d’APC, et les gens nous disaient via twitts et autres interactions en ligne qu’ils avaient besoin d’en savoir davantage. Ils ont besoin de toute urgence d’avoir des espaces qui leur permettent de poser des questions et de comprendre l’impact de la migration au numérique. En temps que société civile, il est de notre devoir de nous assurer que le processus soit inclusif, qu’il prennent en compte l’ensemble de la population et qu’il soit apprécié par toutes les parties prenantes. Nous avons un rôle essentiel à jouer.

Quelle réponse le gourvernement offre-t-il à ces préoccupations ?

Le régulateur a instauré des lignes de conduite et des politiques pour les citoyens. Ils seront très stricts sur le type de décodeur exigé dans le pays. Les importateurs devront s’assurer de satisfaire aux normes de qualité avant de les vendre aux consommateurs, et ils devront obtenir une approbation de l’Uganda Communications Commission pour fonctionner. Il est essentiel que la population soit sensibilisée tout au long de ce processus, et cela a été inclus dans les délais prévus, mais en tant que société civile nous attendons toujours que cela soit mis en place.

Quels sont les défis en termes de contenu ? La migration au numérique apportera-t-elle de nouvelles opportunités, notamment pour les médias non-commerciaux et communautaires ?

Pour le moment nous nous intéressons plus particulièrement à l’accélération du processus de l’infrastructure. Nous pensons que la question du contenu ne se posera que lorsque nous serons passés au numérique. Après la transition, nous serons prêts à discuter de cela.

Que se passera-t-il si les délais ne sont pas respectés ?

C’est notre propre engagement en tant que pays qui échouerait. Il nous faut être plus réalistes que jamais. Sinon nous risquons de courir sans aboutir nulle part. Notre travail de société civile consiste justement à aider le gouvernement à s’en souvenir.

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