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Image de Kon Karampelas, Unsplash

Le présent communiqué a été originellement publié par ASUTIC.

L’opérateur télécom Orange permet à ses clients d’accéder à une version de Facebook sans payer pour les données consommées. Il s’agit de Facebook Flex, la version gratuite de Facebook sans photos, vidéos ou liens internet externes à Facebook.

Orange crée ainsi un internet à plusieurs vitesses, en favorisant un puissant acteur déjà installé et ses partenaires commerciaux attaquant par ce partenariat la liberté de choix des utilisateurs les plus démunis, leur droit à la liberté d’expression et à l’information.

En outre, Orange permet à Facebook de consolider un quasi-monopole dans le contient car les éventuels concurrents sont contrecarrés avant même de s’installer et de commencer à opérer créant ainsi une distorsion de concurrence évidente. Facebook est ainsi mis en position privilégiée pour collecter les données personnelles des pauvres du continent africain et d’en tirer un bénéfice économique.

Ce service Facebook Flex sur le réseau de l’opérateur Orange Sénégal constitue une grave atteinte à la neutralité du net, dans la mesure où Orange favorise un service par rapport à d’autres en y donnant un accès gratuit.

La neutralité du net, qui consiste en une circulation égalitaire et non discriminatoire du contenu sur internet, est consacrée au Sénégal depuis le vote de la loi portant Code des communications électroniques en décembre 2018.

En effet, l’article 25 du code dispose­: «­Les fournisseurs d’accès à Internet traitent tous trafics de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence, quels que soient l’expéditeur et/ou le destinataire, les contenus consultés et/ou diffusés, les applications et/ou les services utilisés ou fournis ou les équipements terminaux utilisés.­»

Autrement dit, aucun fournisseur d’accès internet ne doit offrir ou facturer pour des services de données sur la base du contenu, par conséquent, cette offre d’Orange est illégale.

Non seulement Orange viole l’article 25 qui garantit un accès internet ouvert au Sénégal, mais pire encore, cet opérateur ne publie pas les conditions générales d’utilisation du service Facebook Flex en violation flagrante des articles 35, 37, 58 et 61 de la loi portant sur la Protection des données à caractère personnel.

Des manquements délibérés d’Orange que d’autre opérateurs télécoms du continent ne se sont pas permis à l’image de l’opérateur Vodacom en République Démocratique du Congo. Et pour être transparent vis-à-vis de ses clients, l’opérateur annonce clairement qu’en utilisant le service Facebook Flex, les clients autorisent à donner périodiquement à Facebook un accès à leur numéro de téléphone portable.

Non seulement, l’opérateur Orange n’informe pas ses clients sur les informations qu’il partage avec Facebook mais les conditions d’utilisation publiées par Facebook sont encore plus vagues, imprécises­et opaques: «­Vous autorisez également Orange à donner à Facebook un accès périodique à vos soldes de chargements et promotionsEn cliquant sur Continuer, vous acceptez également les Conditions générales de Orange.»

Ce lien donné par Facebook pour lire et éventuellement accepter les conditions générales d’Orange est une tromperie car il dirige vers la page d’accueil du site orange.sn.

Pire encore, l’ergonomie de la page d’introduction de ce service a été conçue par Facebook pour induire en erreur l’utilisateur afin qu’il clique sur le lien «­continuer­» qui active immédiatement le service Facebook Flex permettant d’obtenir le numéro de téléphone de l’abonné Orange.

Facebook viole ainsi les dispositions des articles 35, 58 et 61 de la loi sur la protection des données à caractère personnel du Sénégal.

Ainsi donc, pour 20Mo par jour, Orange met potentiellement à la disposition de Facebook, les numéros de téléphone portable de ses 121 millions de clients en Afrique et au Moyen Orient et 32,7 millions de clients pour le Groupe Sonatel composé de 5 pays (Sénégal, Mali, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Sierra Leone).

Une pratique d’Orange qu’on ne pourrait qualifier que de scandale inacceptable.

L’opérateur télécom Orange est coutumier du manque de transparence, des pratiques anticoncurrentielles mais aussi de violations récurrentes de la loi. Il s’illustre encore une fois par une violation de la neutralité du net mais surtout d’atteintes intolérables du droit à la vie privée de ses clients africains.

Cependant, des défauts d’application de la loi ainsi que des décisions partisanes des autorités du Sénégal en charge du secteur des télécommunications (ARTP) et de la protection des données personnelles (CDP) favorisent les pratiques toxiques d’Orange.

D’abord, l’ARTP n’a pas appliqué l’article 25 du Code des communications électroniques mais pire encore elle a approuvé cette offre illégale d’Orange par sa publication sur son site web (Voir sous rubrique «­Les autres offres Internet mobile­»)

Pour rappel, l’ARTP a décidé, le 05 novembre 2019, que l’opérateur Saga Africa Holdings qui opère au Sénégal sous la marque «­Free­», devait retirer immédiatement de toutes ses offres la gratuité de WhatsApp car conformément à l'article 25 du Code des communications électroniques, l'utilisation de WhatsApp doit obligatoirement être consécutive à l'activation d'un forfait internet.

Ainsi, l’ARTP interdit à l’opérateur Free d’avoir dans ses offres la gratuité de WhatsApp tout en l’accordant à Orange pour le service Facebook Flex. Une décision manifestement partisane en faveur d’Orange.

Encore une fois, l’autorité de régulation du secteur des télécoms a failli à sa mission­ de mise en œuvre de la politique gouvernementale visant à créer les conditions d’une concurrence saine et loyale dans le marché.

Quant à la CDP, elle se bouche les oreilles et ferment les yeux sur les violations de la loi d’Orange. Depuis 2014, aucune décision n’a été prise contre Orange par la CDP malgré les violations de la loi par l’opérateur maintes fois dénoncées. Plutôt que sanctionner Orange, l’autorité de protection des données personnelles préfère lui tendre la main pour un appui financier aussi ses défauts d’application de la loi quand il s’agit d’Orange ne sont pas surprenants.

Considérant ce qui précède, l’ASUTIC­:

Demande, au régulateur des télécoms (ARTP) de dépublier de son site web cette offre illégale d’Orange et de lui envoyer une mise en demeure pour le retrait immédiat de Facebook Flex de son offre d’internet mobile­;

Rappelle, à la Commission des Données Personnelles (CDP) qu’elle a le devoir de mettre un terme aux atteintes d'Orange et de Facebook du droit à la vie privée­;

Invite, les utilisateurs à ne jamais donner leur numéro de téléphone sur internet, encore moins sur les réseaux sociaux, à moins d’absolue nécessité­;

Exhorte, les utilisateurs à exercer leurs droits d’accès, de rectification, de suppression, d’opposition au traitement, sur leurs données personnelles mais aussi de retrait de consentement.