Les gens se poussent pour arriver à leur stand d’exposition dans le centre Kram à Tunis. Certains courent pour ne pas rater un rendez-vous, d’autres discutent en plein corridor bondé de gens. Un lancement de livre à gauche, une remise de prix droite. Une jeune femme vêtue d’une tenue pour le moins invitante distribue des dépliants de la compagnie Nokia, pendant qu’un homme d’affaires aux mains moites s’empresse de se caler une boisson gazeuse. Les délégués et reporters sont agglutinés aux écrans diffusant des images de présidents d’une multitude de pays venus larguer leurs discours dans la plénière du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Trois livres lancées au beau milieu de ce brouhara sont particulièrement d’intérêt pour toute personne intéressée par la question d’internet et sa signification pour les communications de demain.
Les gens se poussent pour arriver à leur stand d’exposition dans le centre Kram à Tunis. Certains courent pour ne pas rater un rendez-vous, d’autres discutent en plein corridor bondé de gens. Un lancement de livre à gauche, une remise de prix droite. Une jeune femme vêtue d’une tenue pour le moins invitante distribue des dépliants de la compagnie Nokia, pendant qu’un homme d’affaires aux mains moites s’empresse de se caler une boisson gazeuse. Les délégués et reporters sont agglutinés aux écrans diffusant des images de présidents d’une multitude de pays venus larguer leurs discours dans la plénière du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI).
Parmi ce bordel généralisé marqué par un amas de paroles vides et de coups de marketing en haute définition, quelques bonnes têtes s’activent, questionnent, puis défendent des enjeux. Quelques bons livres aussi ressortent comme lectures obligatoires pour ceux et celles qui désirent comprendre les notions complexes que sont « la société de l’information », « la gouvernance d’internet » et « la société civile ».
Il faut savoir que dans le cadre du SMSI — un sommet voué à une panoplie de questions reliées de près ou de loin à l’internet — il n’y a pas que des gouvernements qui s’entredéchirent sur des virgules dans ce qui s’appelle désormais l’engagement de Tunis. Il n’y a pas que des multinationales du commerce électronique et de la télécommunication qui y pompent des millions pour vendre leur camelote. Il y a plusieurs représentants d’organisations non gouvernementales, associations communautaires ou groupes de citoyens qui viennent défendre l’idée de sociétés de l’information enlignées sur les principes des droits humains et d’un développement durable.
Trois livres lancées au beau milieu de ce brouhara sont particulièrement d’intérêt pour toute personne intéressée par la question d’internet et sa signification pour les communications de demain. « Civil Society, Communication and Global Governance » aux éditions Peter Lang, écrit par Marc Raboy (Université McGill) et Normand Landry (Université de Montréal) est l’un de ces ouvrages qu’on aurait bien aimé avoir sous la main avant de mettre les pieds à Tunis.
Il s’agit d’un tour d’horizon des enjeux discutés au SMSI, ainsi qu’un regard lucide sur l’apport de la société civile au processus de négociation de ce sommet des Nations Unies. Le livre de 175 pages est tout à fait accessible aux gens qui n’ont aucune conception des droits de la communication, des dorsales d’internet ou encore de la « fracture numérique ». Le livre ne fait pas dans la facilité. Plutôt, il navigue dans les eaux mouvementées de ce monstre qu’est devenu le sommet et prends le temps d’expliquer le SMSI en présentant un portrait de la société de l’information au diapason avec les acquis des droits humains.
Le second coup de cœur de ce sommet se doit d’être « Visions in Process II » publié par la fondation Heinrich Böll d’Allemagne. Cette organisation politique liée au parti vert a mis la main à la pâte pour offrir un recueil de textes exclusivement féminins sur le processus du SMSI. Quinze femmes provenant d’organisations de base ou d’institutions d’enseignement y livrent un récit pluraliste et fortement à l’écoute de la perspective des femmes sur la société de l’information.
Retraçant les deux dernières années du sommet, les auteures ramènent à l’avant plan les questions du financement de l’internet, de l’éducation en ligne, des projets d’autonomisation des femmes dans les pays en voie de développement, ainsi que du volontariat. L’ouvrage de 126 pages, dirigé par Olga Drossou et Heike Jensen de la section des nouveaux médias de la fondation Böll, inclut par ailleurs une conversation fort intéressante entre trois membres du groupe de travail sur la gouvernance d’internet. Karen Banks de l’Association pour le progrès des communications (APC), la consultante en technologie Avri Doria et la spécialiste d’internet Jacqueline Morris discutent du poids qu’a pu peser la voix des femmes dans le processus du SMS. Cette lecture est du baume pour tous ceux et celles qui cherchent à comprendre la société de l’information vue par les femmes.
La brique collective de 650 pages « Enjeux de mots », publiée aux éditions C&F, offre quant à ele un regard multiculturel sur la société de l’information. Coordonné par Alain Abrosi du Carrefour citoyen de l’internet citoyen, Valérie Peugeot de l’association Vecam et Daniel Pimienta de Funredes, ce livre entièrement quadrilingue explique un certain nombre de sujets délaissés par le SMSI. Le logiciel libre, la piraterie, la cybercriminalité, les médias et la fracture numérique y sont adressés par 27 auteurs d’autant de pays.
Partha Pratim Sarker, coordonnateur de l’observatoire des politiques de TIC en Asie pour l’APC, y collabore un chapitre sur la gouvernance en réseau et la gouvernance électronique. « Les techniques ne sont jamais neutres: elles portent des conséquences sociales, économiques et culturelles » annoncent en primeur les rédacteurs avant de spécifier que « ce livre pose sur les concepts de l’ère informationnelle des regards critiques issus de sensibilités et de cultures différentes et ouvre des visions alternatives ».
S’il n’est pas possible de rapporter l’ensemble des livres lancés durant ce gigantesque sommet de Tunis, ces trois exemplaires devraient satisfaire les plus affamés d’entre vous. Maintenant que le sommet s’apprête à donner le relais à un ensemble de structures de gouvernance d’internet, ces livres se profilent comme de musts à vous procurer à la première occasion.
Références:
Raboy, Marc et Normand Landry – Civil Society, Communication and Global Governance — Peter Lang Publishing – Montréal, Octobre 2005, 212 pages
Drossou, Olga et Heike Jensen – Visions in Process II — Heinrich Böll Foundation – Berlin, Novembre 2005, 128 pages
Ambrosi, Alain et al. – Enjeux de mots: regards multiculturels sur les sociétés de l’information — C&F Editions – Paris, Novembre 2005, 650 pages