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Comment les membres d’APC améliorent-ils le quotidien de leur communauté ? Nous présentons dans cette chronique des récits qui soulignent l’impact et les changements opérés par nos membres, avec l’aide de subventions secondaires d’APC. One World Platform a démontré en Bosnie-Herzégovine à quel point ce soutien peut être indispensable à la mise en place de systèmes de soutien et de sécurité pour les femmes et les communautés LGBTIQ de la région.

Seule organisation de Bosnie-Herzégovine à travailler à l’intersection des questions de sécurité en ligne et de violence à l’égard des femmes, One World Platform (OWP) se retrouve parfois dans une situation délicate : d’un côté, son travail de sensibilisation à la violence basée sur le genre (VBG) est vital et urgemment requis et de l’autre, le manque de soutien local entraîne des difficultés critiques en matière d’exposition, de ressources et de financement.

Le système juridique local peu enclin à s’attaquer à la violence conjugale et la réticence dans la région à appliquer les lois existantes rendent particulièrement indispensable le soutien aux victimes d’abus sur le terrain. Et il semble qu’il y ait encore moins de recours possibles pour les victimes dès lors qu’il s’agit de menaces et de harcèlement en ligne. Dans un rapport paru en 2015, OWP expliquait qu’en « Bosnie-Herzégovine, des lois nationales et des conventions internationales s’appliquent à propos de multiples infractions pénales, et notamment les violations des droits des femmes. Mais dès qu’il est question de violence à l’égard des femmes (VEF) en lien avec la technologie, ces lois et ces accords semblent n’offrir que bien peu de protection. »

Un soutien aux maisons sécurisées 

Mais bien peu de choses ont changé aujourd’hui sur le front de la lutte pour l’élimination de la violence basée sur le genre. La situation n’a cependant pas freiné OWP, qui continue à travailler dans toute la région. Grâce à une subvention d’APC, One World Platform a pu procéder à des formations dans des maisons sécurisées de Sarajevo, Banja Luka et Mostar. Le personnel et des survivantes de violence conjugale ont ainsi pu renforcer leurs acquis en matière de sécurité numérique et autres compétences internet importantes. Selon la directrice des programmes à OWP Valida Hromadzic, le soutien financier de ces projets s’est révélé indispensable, notamment car le financement de telles initiatives est tout simplement impossible à obtenir de bailleurs internationaux ou gouvernementaux qui ne saisissent pas tout à fait l’importance de l’apprentissage numérique. « Les gens ne considèrent pas que notre travail avec les victimes relève de l’autonomisation économique », explique-t-elle, en soulignant le manque de compréhension et de soutien en matière de développement des compétences numériques.

Dans les faits, de nombreuses femmes arrivent dans les maisons sécurisées sans emploi et avec une dépendance financière sur leur partenaire. Leur formation aux compétences de commerce en ligne et en sécurité numérique peut leur offrir des possibilités de générer leur propre revenu et de se protéger. Il est essentiel pour cela de développer un large éventail de compétences numériques. « Nous voulions leur enseigner à créer des invitations de mariage, des affiches, des banderoles, des logos, etc. à l’aide de programmes de graphisme payants et en source libre », déclarait OWP. « Nous souhaitons ensuite qu’elles sachent créer un site web, pour servir de vitrine à leurs créations. Le projet a pour objectif de permettre aux femmes d’avoir un emploi indépendant ou d’être employables, pour pallier leur vulnérabilité. »

Cette formation comprend d’autres volets portant sur la sécurité numérique et la confidentialité, qui ont également été dispensés au personnel des maisons sécurisées afin d’acquérir les bases élémentaires leur permettant de se protéger en ligne. Il a été remarqué que ces formations du personnel ont tout d’abord été reçues avec une certaine réticence, qui s’est généralement transformée en intérêt et engagement à mesure que le personnel découvrait les bases de la sécurité numérique et le besoin souvent indispensable de les mettre en œuvre. Ces changements d’attitude et de perception ont servi d’indicateurs positifs de l’efficacité de la mise en œuvre de telles campagnes de formation.

Créer un internet féministe

OWP travaille depuis plusieurs années à la défense des droits des femmes et des personnes LGBTIQ dans la région. Son engagement dans le réseau d’APC remonte à la même époque. En 2018, OWP a collaboré avec des féministes et des activistes pour les droits numériques de l’ouest des Balkans à l’élaboration d’un guide des Principes féministes de l’internet (PFI), ainsi qu’à d’autres types de contenus et d’études, traduits en langues régionales. L’organisation a également reçu un soutien pour participer au projet « Réapproprie-toi la technologie ! », participant à des campagnes mondiales d’élimination de la violence à l’égard des femmes par la prise de contrôle de la technologie et son utilisation pour lutter contre la violence basée sur le genre en ligne.

Le besoin de participer à des actions de soutien à la création d’espaces numériques sécurisés et de travailler avec des activistes locaux et locales est constant en Bosnie-Herzégovine, dans l’objectif d’augmenter l’exposition aux questions relatives aux droits sexuels et leur compréhension, ainsi que leur intersection dans les sphères numériques. Tel qu’OWP l’écrivait dans la section sur la Bosnie-Herzégovine de l’édition 2015 de l’Observatoire mondial de la société de l’information (OMSI), « les groupes pour les droits sexuels en Bosnie-Herzégovine se servent de l’internet comme d’un outil pour renforcer les communautés, sensibiliser et mener des actions de plaidoyer au quotidien ». L’octroi de subventions est une des manières de faciliter le travail d’OWP dans la région. Hromadzic ajoutait que « [c]et argent nous a permis de nous autonomiser nous-mêmes : nous ne sommes pas expertes, mais nous occupons une place que nulle autre organisation n’occupe dans notre pays. »

Une histoire d’inclusivité

Toutes ces initiatives avaient pour point commun central un élément mentionné par Hromadzic, en lien avec la capacité d’APC à rassembler diverses opinions et soutenir l’action locale, sans définir de programmes externes ou imposer de lourdes exigences administratives. C’est là un message d’inclusivité, qui dépasse les nécessités économiques : « Je sens qu’à l’autre bout il y a des êtres humains », commentait Hromadzic à propos du soutien qu’apporte APC au travail d’OWP. 

OWP est une petite organisation chargée d’une mission déterminante. Elle a réalisé un incroyable travail de sensibilisation autour de la violence basée sur le genre en ligne, et défendu les droits des femmes et des personnes et activistes LGBTIQ - et ce dans un environnement qui continue à opposer de nombreuses résistances. Hromadzic ajoutait que « le thème de la violence en ligne à l’encontre des femmes et des filles demeure relativement 'nouveau'. Nous en parlons depuis cinq ans au moins, et bien que certaines organisations commencent à se pencher sur la question, nous sommes toujours la seule dont une des principales missions consiste à lutter contre la violence basée sur le genre en ligne. » 

Bien qu’on n’entende presque qu’elle sur la question dans la région, l’histoire du besoin d’inclusivité d’OWP a créé un modèle fort pour les activistes, les communautés et les organisations qui souhaitent rejoindre le mouvement en faveur des droits sexuels et de la sécurité en ligne.

Cet article est une version d’une histoire proposée dans Continuing the conversation : Lessons from APC subgranting, un rapport rassemblant les conclusions d’entretiens et de sondages réalisés auprès de membres et partenaires d’APC ayant reçu des fonds dans le cadre de son programme principal de subventions soutenu par l’agence suédoise de coopération internationale au développement Sida ou des subventions proposées dans le cadre d’autres projets d’APC, et auprès de personnel travaillant à l’octroi de subventions au sein de l’organisation.

Cette histoire vous a inspiré·e à semer les graines du changement dans votre communauté ? Racontez-nous votre histoire en nous écrivant à l’adresse suivante : communications@apc.org.