Lors d’un atelier sur la gouvernance de l’internet dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord tenu du 16 au 19 mars à Tunis, APC a présenté quelles possibilités s’offraient à la société civile pour prendre part aux processus de politiques publiques sur la gouvernance de l’internet. L’atelier était intitulé « Gouvernance et politiques relatives à l’internet : Ancrage et sauvegarde de la transparence de l’internet au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Les participants étaient des journalistes, des blogueurs, des militants et des membres de la société civile à qui les questions de gouvernance de l’internet avaient récemment été présentées. L’atelier d’APC se basait sur deux grands axes, les processus de l’Union internationale des télécommunications (UIT) et l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cet atelier de formation entre dans le cadre des objectifs généraux d’APC de sensibilisation et de capacitation des groupes de la société civile pour l’engagement dans « les droits humains sur l’internet » et notamment le développement d’un programme de formation sur « Les droits de l’internet sont des droits humains ».
La première partie de la présentation d’APC sur l’UIT visait à faire comprendre aux participants les enjeux du débat sur le processus actuel des politiques de l’UIT et sur les aspirations de l’UIT pour obtenir un rôle prépondérant dans la gouvernance de l’internet et les questions de politiques publiques, ainsi que les raisons pour lesquelles de nombreuses organisations de la société civile rejettent ces revendications.
Voici un résumé de la présentation :
L’UIT régule ses principaux champs d’activité avec des instruments basiques nommés Régulations administratives. Celles-ci comprennent notamment le Règlement des télécommunications internationales (RTI) et les Régulations pour la radio. Les quatre traités fondamentaux de l’UIT sont la Constitution, la Convention, le Règlement des radiocommunications et le Règlement des télécommunications internationales.
Le RTI définit les principes généraux de l’offre et de l’exploitation des services télécommunications internationales afin de faciliter l’interconnexion et l’interopérabilité grâce au développement harmonieux des installations techniques correspondantes. Le dernier traité de RTI ratifié a été approuvé à Melbourne en 1988 par 178 pays. Les négociations de décembre dernier à la Conférence mondiale des télécommunications internationales (CMTI) de Dubaï qui portaient sur la dernière version du traité ont abouti à un texte qui divise la communauté internationale. À la fin de la Conférence, les actes finaux comptabilisaient 89 pays signataires et 55 pays s’opposant à cette nouvelle version du traité. Un certain nombre de pays étudient encore le texte pour signature et la plupart ne l’ont pas encore ratifié.
La deuxième partie de la présentation concernait le processus de l’EPU. Le rapport 2011 du Rapporteur spécial des Nations Unies Frank La Rue a été présenté en raison de la lecture adaptée à l‘ère de l’internet qui y est faite de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits humains (DUDH) et de la Convention internationale des droits civiques et politiques (CIDCP). Le rapport affirme que le droit de chacun à rechercher, recevoir et diffuser des informations et idées de tous types s’applique à l’internet, qu’il s’agit d’un droit fondamental et que celui-ci favorise également l’application d’autres droits humains. La présentation s’est poursuivie avec un résumé de l’EPU et des examens à venir, avant d’encourager les participants à y prendre part en tant que parties prenantes.
De la présentation :
Le Conseil des droits de l’homme (CDH) a initié l’EPU en avril 2008 pour examiner les comptes-rendus de tous les pays-membres des Nations Unis (ONU) sur les droits humains. L’Examen concerne l’ensemble des 193 membres qui sont examinés l’un après l’autre jusqu’à ce qu’un nouveau cycle débute. Environ 42 États suivent ce processus chaque année, pour un cycle qui dure près de 4,5 ans. Le second cycle est en cours depuis 2012.
L’Examen comporte trois étapes : l’étape de préparation couplée d’une consultation à niveau national, l’Examen du Conseil (effectué par le groupe de travail pour l’EPU avant de passer en séance plénière), et enfin la mise en œuvre des recommandations de l’examen initial ou antérieur. L’ensemble du processus utilise trois rapports : le rapport sur l’État, le rapport des parties prenantes dans lequel la société civile peut apporter sa contribution, et le rapport résumé de l’ONU. Tout intéressé peut soumettre un rapport sur l’État examiné et il est possible pour les ONG agréées par ECOSOC de prendre la parole même s’il s’agit finalement d’un processus dirigé par les États où eux-seuls sont autorisés à émettre des recommandations.
Les comptes-rendus de l’Examen sont publics, notamment les recommandations des États et les engagements volontaires pris par l‘État examiné. La société civile doit donc contacter différentes entités du pays, comme les représentations diplomatiques et toute institution pouvant s’avérer être un partenaire stratégique envers la cause qui les importe le plus. Pour terminer l’atelier, un exercice de simulation a été organisé sur la base d’un État Arabe Virtuel. Quatre groupes ont été formés : le groupe Un représentait les parties prenantes, le groupe Deux était l’institution nationale des droits humains, qui pouvait choisir entre une institution indépendante ou alignée sur l’État et si elle soutenait ou non le groupe de parties prenantes. Le groupe Trois était le groupe des représentants étrangers et des partenaires internationaux présents dans le pays examiné, et le groupe Quatre était le CDH. L’État examiné, ici l’État Arabe Virtuel, n’était représenté que par une personne. Grâce à ce SUR virtuel, les participants ont pu jouer autour des violations aux droits humains qui leur importaient le plus, notamment la liberté d’expression. La simulation a permis au public de poser plus de questions sur les processus de l’EPU pour mieux le comprendre et pouvoir jouer leur rôle correctement. L’étape finale de l’activité de simulation consistait en une discussion qu’APC avait fomentée dans chaque groupe sur le sujet de l’internet et des droits humains : l’accès à l’internet est-il ou non un droit humain ? Si tel est le cas, la DUDH s’y applique-t-elle ou nécessite-t-on un instrument légal supplémentaire ? La discussion a largement repris le rapport de Frank La Rue et la résolution 2012 de l’ONU qui en a découlé, reconnaissant que l’accès à l’internet était un droit humain. À la fin de l’atelier, les participants ont exprimé combien ils ressentaient la nécessité d’un mécanisme qui oblige leurs gouvernements nationaux à reconnaître les droits humains liés à l’internet et à les respecter.