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Image by Thomas Ulrich from Pixabay

Le présent communiqué a été originellement publié par ASUTIC.

Le communiqué du conseil des ministres du Gouvernement du Sénégal du 03 Février 2021 nous annonce que le Président de la République a invité le Gouvernement à mettre en place un dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux.

Dés lors, la question légitime est de savoir les motifs de la mise en place d’un tel dispositif quand on sait que le Sénégal dispose déjà d’un arsenal juridique pour réguler les réseaux sociaux.

Un cadre légal, élaboré à partir de 2016, qui constitue un véritable danger pour la liberté d’expression en ligne et le droit d’accès à l’information ­mais aussi la liberté de la presse: Loi n° 2016-33 relative aux Services de renseignement, Loi n° 2016-29 du 8 novembre 2016 modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal, Loi n°2016-30 portant code de procédure pénale, Loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse, Loi n°2018-28 du 12 décembre 2018 portant Code des Communications électroniques.

Aucun motif pertinent ne peut être invoqué pour justifier ce nouveau dispositif, sinon des déclarations non fondées. D’ailleurs sont attendus, les arguments du Gouvernement du Sénégal (chiffres, indicateurs ou exemples véritablement détaillés) révélant les lacunes structurelles de ce dispositif légal, répressif et liberticide, de lutte contre le discours de haine et la désinformation sur les réseaux sociaux.

Aussi, ce dispositif de régulation spécifique des réseaux sociaux pourrait se traduire par un renforcement considérable des pouvoirs attentatoires à la liberté de la presse confiés à une autorité gouvernementale.

Le Chef de l’Etat nous parle de la nécessité de veiller à la qualité des programmes diffusés sur les radios et télévisions pour renforcer la paix sociale, la cohésion nationale, l’autorité de l’Etat et les intérêts du Sénégal, mais en cette période de tension politique et sociale en perspective de l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal, il ne serait pas surprenant que l’objectif visé est d’empêcher les expressions politiques de l’opposition et des mouvements sociaux contestataires d’atteindre l’espace publique nationale via les réseaux sociaux.

En effet, pour un leader politique, syndical où de la société civile, il n’est plus besoin d’être invité par une radio où télévisons pour être présent dans l’espace public national car ces médias republient les messages postés sur leurs pages Facebook où comptes Twitter. Certaines télévisions ou radios ont même des émissions consacrées aux infos du net.

Ainsi, c’est au traitement que les journalistes font de l’information sur les réseaux sociaux que devrait s’attaquer ce dispositif.

Certainement, dans ce dispositif les définitions des mots « paix sociale », «­cohésion nationale­», «­autorité de l’Etat­», «­intérêts du Sénégal­» seraient volontairement larges et floues, qu’elles serviraient à justifier la censure de la presse pour qu’elle ne relaye pas et n’amplifie pas toute expression politique ou sociale contraire aux intérêts du pouvoir en place publiée sur les réseaux sociaux.

Face aux discours des citoyens, des organisations de la société civile, des hommes politiques de l’opposition qui critiquent l’action gouvernementale et demandent la transparence, la redevabilité, la bonne gouvernance, ceux qui prétendent nous gouverner, tentent de légitimer l’adoption d’une stratégie légale de contrôle de la manière cette information diffusée sur les réseaux est traitée par la presse de masse, à savoir les radios et les télévisions.

C’est tout le sens qu’il faut donner au discours du Président du Sénégal, lors du conseil des ministres du 03 Février 2021, sur les radios, télévisions et les réseaux sociaux mais aussi du communiqué du Conseil National de Régulation de l'Audiovisuelle (CNRA).

Les protections associées à nos droits et libertés reculent partout dans ce pays depuis 2016, et maintenant de nouvelles menaces sont annoncées par le Gouvernement du Sénégal avec ce dispositif de régulation spécifique des réseaux sociaux.

L’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) rappelle au Gouvernement du Sénégal que dans un état démocratique, l’instrumentalisation de concepts liés à l’unité nationale, aux valeures morales, ne doit jamais être un prétexte pour censurer les oppositions politiques et les mouvements sociaux contestataires.

Aussi, si on souhaite préserver un espace numérique où le pouvoir en place pourra être critiqué, où nous pourrons nous réunir pour débattre et nous organiser, nous devons nous mobilier pour tenir en échec ce projet gouvernemental afin que la presse puisse continuer de relayer et amplifier les expressions citoyennes positives afin qu’elles atteignent l’espace public national et international.

L’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC)­:

  • Invite, le Gouvernement du Sénégal à abandonner un tel projet qu’aucun motif objectif pour ne pas dire scientifique ne peut justifier­;
  • Appelle, les journalistes, les groupes de presse à la vigilance face à ce projet qui pourrait porter atteinte à la liberté de la presse­;
  • Exhorte, les organisations de défense des droits humains à être des remparts contre tout projet­ qui remettrait en cause la liberté de la presse;
  • Demande, aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter) de privilégier le respect de la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information plutôt que les requêtes de censure gouvernementale.