Le réseau APC a récemment adopté un plan stratégique qui inclut cinq domaines clés qui encadreront le travail de l’organisation pour les quatre prochaines années. Le suivi et la documentation du progrès réalisé dans la mise en oeuvre de ces cinq priorités stratégiques seront coordonnés par cinq membres de l‘équipe d’APC. APC Nouvelles s’est entretenu avec ces responsables de KRA et les a questionnés sur les opportunités et les défis auxquels ils s’attendent dans les prochaines années.
Chaque quatre ans, APC initie un processus consultatif afin d’identifier les priorités stratégiques qui guideront notre travail au cour des prochaines années.
Le travail d‘élaboration du plan stratégique 2013-2016 d’APC en tant qu’activité intégrant tout le réseau a commencé en janvier 2012 avec une révision du précédent cycle stratégique suivi par des consultations régionales avec les membres d’APC sur des questions jugées pertinentes dans leur travail, et pour notre mission générale d’utilisation des TIC pour la justice sociale.
Cet intense processus consultatif a mené aux cinq priorités stratégiques suivantes :
- Assurer et défendre l’accès à l’internet et les droits liés à l’internet
- Promouvoir une bonne gouvernance de l’internet
- Renforcer l’utilisation et le développement des technologies à effet transformateur
- Mettre fin à la violence envers les femmes et les filles basée sur les technologies
- Renforcer les réseaux de la communauté d’APC
De plus, les membres ont convenu de trois objectifs transversaux pour la période, qui seront intégrés dans tous les aspects du travail d’APC :
- «la mise en place des biens communs de l’information,»
- «la promotion de la diversité linguistique», et
- «la promotion de l‘égalité de genre et l’autonomisation des femmes».
A chacune des priorités stratégiques il a été assigné un(e) responsable ou chef(fe) de file, dont le rôle est d’animer, de surveiller et de documenter les actions et les activités dans le domaine de travail qui lui incombe. APCNouvelles a interviewé chacun des cinq responsables pour recueillir leurs perspectives sur les priorités stratégiques, pour les présenter et introduire leur travail à la grande communauté d’APC.
Sécurisation et défense de l’accès et des droits de l’internet
Auparavant, une commissaire aux droits humains en Nouvelle Zélande, Joy Liddicoat a rejoint le Programme des Politiques de Communication et d’Information d’APC (PPCI) en 2011. Le travail de Joy dans les droits humains a commencé dans les centres juridiques communautaires et l’a conduite sur la scène des droits humains internationaux, y compris en 2001 lorsqu’elle a participé à la conférence mondiale sur le racisme à Durban, en Afrique du Sud. Par la suite, de 2002 à 2010, elle a fait partie de la Commission des droits de l’homme de la Nouvelle-Zélande. Liddicoat est la cheffe de file pour «Sécurisation et défense des accès et des droits de l’internet».
L’accès abordable et généralisé à l’internet demeure un important problème de développement, en dépit de l’adoption rapide de la téléphonie mobile. Ceux qui n’ont pas accès peuvent se voir refuser le droit d’exprimer leurs objectifs sociaux et politiques, et être incapable d’utiliser l’internet pour revendiquer des droits sur un pied d‘égalité avec les autres. L’accès à l’internet est donc de plus en plus présenté comme un facteur critique dans toute discussion sur la jouissance des droits de l’homme. A l’opposé, une approche des droits de l’homme est de plus en plus considérée comme une prémisse pour des politiques exigentes qui offrent un accès de qualité et abordable pour tous. L’accès à l’internet et aux droits humains ne peuvent plus être considérés séparément et APC a fusionné ces domaines de travail dans une priorité stratégique.
Le travail vise à atteindre «l’accès universel et abordable à l’internet» et que «les droits sur l’internet soient compris, reconnus et défendus.” Il y a plusieurs défis qu’APC et ses membres auront à relever pour atteindre ces objectifs, comme par exemple l’absence de groupes de défense des droits de l’internet qui ont une expérience directe du travail dans ou avec des mécanismes nationaux ou mondiaux de droits de l’homme. «Il est nécessaire de renforcer leur capacité à être efficace dans ces milieux», indique Liddicoat. «Un autre défi est de construire des ponts entre les groupes de défense des droits de l’internet et les principales organisations de défense des droits de l’homme afin de maximiser la capacité – et de renforcer les capacités – pour un plaidoyer fort et plus efficace des droits humains.»
Liddicoat affirme que le but est de cibler les gouvernements et de les convaincre de leur responsabilité en tant que principaux organes chargés de maintenir et de protéger les droits humains de leurs citoyens. «Dans le même temps, de nouveaux outils sont nécessaires pour renforcer les capacités, comme le curriculum “Les droits de l’internet sont des droits humains” qui peuvent appuyer des réseaux et améliorer l’effectivité de leur plaidoyer, »” a ajouté Liddicoat.
Promotion de la bonne gouvernance de l’internet
Valeria Betancourt, basée en Équateur et membre du personnel d’APC depuis 2003, est une militante dans le domaine des TIC pour le développement et la justice sociale. Ingrid Betancourt a une formation professionnelle en sociologie et en science politique. Elle dirige le PPCI d’APC et est une activitste de réseautage respectée parmi les activistes politiques ce qui la met en position de choix pour diriger la priorité stratégique «Promotion de la bonne gouvernance de l’internet».
APC reconnaît que la bonne gouvernance est une condition préalable pour la justice sociale et le développement durable. «APC a travaillé sur la gouvernance de l’internet (GI) pendant des années, parce que nous comprenons que, durant le forum de la GI; des discussions ont lieu sur le matériel et le développement symbolique de l’internet et de ses mécanismes», explique Betancourt.
La bonne gouvernance de l’internet exige que les processus et les institutions de gouvernance soient inclusifs, transparents, accessibles, participatifs et responsables. L’implication multi-acteurs est un cadre très précieux qui peut favoriser un regard critique, où les apprentissages et les expériences sont partagés et capitalisés, en partant de la base.
Même si l’un des résultats attendus de cette priorité stratégique est d’avoir des acteurs de la société civile qui participent activement à donner forme aux questions, processus et résultats relatifs à la GI, Betancourt reconnaît que que faire progresser la participation de plusieurs acteurs est l’un des plus grands défis concernant ce domaine d’activité. «Il y a de nombreux cas dans la gouvernance de l’internet où la participation est fermée», se plaint-elle.
Un autre problème est que «les tentatives de centralisation sur les infrastructures et le contenu sont en cours, même dans les pays démocratiques où le caractère libre, ouvert et non-hiérarchique de l’internet est contestée par les États et d’autres acteurs au nom des intérêts publics, de la sécurité nationale, de la lutte contre la cybercriminalité, des intérêts commerciaux ou politiques, et autres », prévient Betancourt.
Renforcement de l’utilisation et du développement de la technologie transformative
La technologie transformatrice se réfère à l’infrastructure et au développement de logiciels qui desservent les communautés en étant durable, libre et ouvert.
APC est convaincu qu’en reliant la technologie et le développement directement aux valeurs humaines, la relation entre les individus et la technologie est modifiée d’utilitaire à transformatrice. Dans cette conception, l’expérience d’APC dans les TIC durable et son engagement envers la technologie libre et à code source ouvert ont été combinés en une troisième priorité stratégique : «Le renforcement de l’utilisation et du développement de la technologie transformatrice». Mallory Knodel, Responsable des communications et du développement du réseau d’APC depuis début 2012, dirige les efforts dans ce domaine prioritaire visant à promouvoir le développement de la technologie centrée sur la personne en rendant la technologie respectueuse de l’environnement, libre d’utilisation et ouverte à la collaboration. «Je suis plutôt novice dans la direction des programmes à APC. Cependant, je suis très familières avec les questions de logiciels libres et je travaille dans ce domaine depuis plus d’une décennie», dit Knodel.
À l’heure actuelle, les pratiques en matière de TIC durables ne sont pas typiques parmi les fournisseurs de services Internet et d’autres prestataires de services. Elles ne sont même pas typiques pour les fournisseurs progressistes de la plupart des organisations de la société civile. De même, l’utilisation d’outils de logiciels libres est rare parce que les pratiques typiques sont influencées par les produits d’entreprise qui ne sont généralement pas des logiciels libres, et c’est l’un des défis les plus importants concernant cette priorité stratégique. « Nous devons changer la culture vers l’utilisation de technologies transformatrices. Notre domaine de priorité va nous dresser contre le secteur privé. Nous devons commencer avec notre personnel, nos membres et ensuite notre réseau pour nous convaincre qu’il est important d’utiliser une technologie durable, libre et ouverte », encourage Knodel.
Eliminer la violence basée sur la technologie à l‘égard des femmes et des filles
Jan Moolman, basée en Afrique du Sud, est la cheffe de file d’APC pour la priorité stratégique pour Mettre fin à la violence basée sur la technologie contre les femmes et les filles6. Jan a coordonné le travail du Programme des Droits des Femmes d’APC sur la technologie et la violence contre les femmes (VCF) d’abord à travers un projet soutenu par le Fonds OMD3 de 2009 à 2011. «Je continue à travailler dans ce domaine, en m’appuyant sur notre acquis passé pour me concentrer sur la mise en place de preuves et approfondir la compréhension de la façon dont ces violations ont lieu afin que des remèdes efficaces soient développés et ainsi assurer que les femmes et les filles soient en tête de file dans le travail pour prévenir la violence liée à la technologie contre les femmes», explique t-elle.
Cette priorité stratégique se concentre sur l‘élargissement de la visibilité et de la compréhension de la violence à l‘égard des femmes en ligne, le plaidoyer à base de preuves fondé sur la prévention des abus en ligne et destiné aux femmes et aux filles, et la promotion d’une culture en ligne qui affirme le droit à la sécurité et à la vie privée. La VCF est un obstacle important à l’accès aux opportunités offertes par les TIC pour la pleine jouissance des droits de l’homme.
Depuis 2005, le Programme des droits des femmes d’APC a été à l’avant-garde d’un effort mondial pour comprendre comment la technologie est en train aussi bien de changer la façon dont les femmes sont victimes de violences que d’offrir des possibilités de prévenir celles-ci. Au cours de cette période, le Programme des droits des femmes a travaillé au niveau mondial avec des partenaires principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, en lançant la campagne mondiale Réapproprie-toi la technologie! qui est devenue une activité de toute l’organisation. «L’inclusion de ce travail en tant que l’une des cinq priorités stratégiques est une reconnaissance par APC et ses membres de la profondeur et de la pertinence que ce travail a acquises», affirme Moolman, et aussi une reconnaissance du fait que notre travail sur les droits, l’accès et les technologies transformatrices – en fait tout ce que nous faisons – existe dans un contexte de hausse des niveaux de violence contre les femmes, ce qui menace les acquis que notre travail en général essaie d’obtenir au sens large».
Moolman est assez optimiste sur le climat politique international pour APC et ses membres en termes de plaidoyer pour mettre fin à la VCF liée à la technologie. «Nous sommes à un moment de grande opportunité dans la mesure où nous avons travaillé dur et longtemps pour vraiment développer notre compréhension de la violence contre les femmes liées à la technologie et ses conséquences pour celles-ci. Nous sommes à présent en mesure de formuler des recommandations claires basées sur les expériences vécues par les femmes avec qui nous travaillons à travers le monde», affirme Moolman.
«Comment pouvons-nous parler de politiques d’internet progressistes sans être progressiste sur le genre et la sexualité?» a récemment demandé un membre du Programme des droits des femmes . «Eh bien, cette priorité reconnaît cette situation», répond Moolman.
Renforcement des réseaux communautaires d’APC
Karel Novotný, basé en République tchèque, est le coordonnateur pour APC de la collaboration entre les membres et du partage des connaissances. Il est chargé de diriger la cinquième priorité stratégique pour le «Renforcement des réseaux communautaires d’APC». Depuis le début de 2005, il avait été en charge du partage des connaissances dans APC, et a commencé à s’occuper du développement de l’adhésion des membres en 2010.
Novotný explique que le développement du réseau APC et l’appui pour le partage des connaissances a été une base pour APC, une grande priorité depuis plus de 20 ans. «La croissance et la diversification de l’APC crée un besoin de consacrer plus d’attention au réseautage, en particulier de mettre l’accent sur les besoins et intérêts communs des membres,» a-t-il fait remarquer.
Selon Novotný, le plus grand défi pour APC en ce qui concerne le renforcement de notre réseau communautaire relève des changements dans le domaine de la société civile et dans la façon dont les militants et les organisations scellent de nos jours des partenariats et collaborent. Même si les avantages de l’appartenance à un grand réseau comme APC sont importants, ils pourraient ne pas être aussi évidents que par le passé et il est parfois difficile d’expliquer correctement comment APC se distingue des autres réseaux.
Un autre défi a trait à la diversification régionale, culturelle et thématique d’APC. Le partage de connaissances et la collaboration à l‘échelle d’APC «est beaucoup plus difficile maintenant que pendant les périodes où APC était composée d’une poignée d’organisations visant des buts similaires, principalement des FAI progressistes», souligne Novotný.
Mais ce défi est aussi une opportunité. «La diversité d’APC signifie que nous avons accès à un très riche bassin de connaissances, d’expériences et d’idées», dit le chef de file. Dans la mesure où APC maintenant sur une grande échelle sur de nombreux fronts, des membres peuvent apprendre des autres sur de toutes nouvelles lignes de travail qui n’ont rien à voir avec leurs programmes existants. D’importants domaines transversaux sont à présent explorés de façon collaborative par des organisations qui auparavant n‘étaient pas intéressées par des sujets comme les droits des femmes ou l’utilisation environnementalement durable des TIC.
Novotný s’attend à ce que APC accroisse le nombre de ses membres dans les prochaines années. «Nous allons probablement avoir 8-10 nouveaux membres organisationnels et des douzaines de nouveaux affiliés individuels. Nous travaillons à faciliter l’engagement des membres dans des projets ayant trait à l’ensemble du réseau, donc je m’attends également à voir les relations au sein du réseau se renforcer», prédit-il.
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