Sur les 16 pays de l’Afrique de l’Ouest, seulement une minorité s’est véritablement engagée à adopter la radiodiffusion numérique – même si tous les États africains ont accepté de prendre ce virage d’ici juin 2015.
Le coût du processus a découragé certains pays. Il existe pourtant des pays comme le Ghana, la Guinée et le Nigeria qui en sont à l’étape préalable au lancement public. Et trois autres – le Bénin, le Mali et le Niger – vont bientôt créer des groupes de travail pour superviser la transition. Mais en réalité, presque la moitié des États ouest-africains n’ont même pas encore commencé la formulation des politiques nécessaires pour engager le processus de transition.
Une nouvelle étude de Russell Southwood, publiée au début de cette année pour APC et Balancing Act dans le cadre de notre initiative commune sur la Migration numérique en Afrique de l’Ouest donne un aperçu de l‘état actuel de la transition dans chaque pays et formule des recommandations pour les pays qui n’ont pas encore commencé le processus de transition.
Qui peut se payer un nouveau téléviseur?
Les décideurs et les régulateurs ont du mal à croire qu’un processus qui implique l’achat d’un nouveau décodeur par tous ceux qui possèdent un téléviseur soit faisable dans le contexte africain », explique Southwood.
L’achat d’une nouvelle technologie peut sembler un trop lourd fardeau financier à imposer, mais les études sur le Ghana, le Nigeria et le Sénégal montrent que la réduction de la taxe sur les nouveaux téléviseurs les rend presque aussi abordables « qu’un téléphone bas de gamme », indique le rapport Southwood, ces décisions nécessitant une directive prioritaire du ministère des Télécommunications.
Mais le principal obstacle est encore à venir
Le processus nécessite de nouvelles actions politiques et « les ministères ont souvent du mal à mobiliser les ressources supplémentaires pour accomplir cette tâche », commente Southwood. Mais pour la plupart, il s’agit de reporter à demain ce qui pourrait être fait aujourd’hui, dit-il.
Southwood exhorte les pays à ne pas laisser la transition pour la dernière minute. « En Europe, ce processus a pris de trois à quatorze ans » indique-t-il. « Que le secteur privé participe ou non, le gouvernement ou le régulateur doit entamer le processus en produisant un document de politique portant sur les principales questions d’intérêt public. Et le document doit faire l’objet de consultations – en particulier auprès de l’industrie de la radiodiffusion qui sera la première touchée par les décisions qui seront prises ».
Dans la plupart des pays, on commence par mettre en place un comité ou un groupe de travail qui comprend un représentant de chaque groupe de parties prenantes. Les groupes de travail contribuent à aplanir les détails de la politique du gouvernement, notamment la mise en œuvre, obtenir l’engagement formel des parties concernées, se mettre d’accord sur un calendrier de transition. Il sera également chargé de la promotion du processus auprès de la population.
Les gouvernements devraient assumer un rôle de chef de file clair et d’autres parties prenantes devraient faciliter le processus. Par exemple, le gouvernement peut fixer une date précise pour l’arrêt de l’analogique, et un régulateur peut donner des conseils sur l’attribution des fréquences.
Southwood fait observer que les meilleures pratiques utilisées ailleurs montrent qu’il est préférable de procéder à un déploiement direct dirigé par le marché. Le gouvernement prend des décisions qui apportent une certitude sur le marché et incitent à l’accélération du processus – comme le choix des normes techniques. Le gouvernement peut également imposer un changement par une loi ou un règlement, mais en travaillant avec toutes les parties prenantes, il assurera le succès du processus.
Le processus est ensuite prêt pour des essais pour voir si les signaux numériques fonctionnent, pour un lancement public et pour la vente des nouveaux téléviseurs numériques. Mais ce n’est fini – le gouvernement, les régulateurs et les diffuseurs devront lancer des campagnes de sensibilisation pour encourager l’adoption par le grand public, ce qui peut également prendre du temps.
Pourquoi passer au numérique?
Compte tenu des coûts et du travail en cause, les gouvernements, les régulateurs et les diffuseurs se demandent évidemment « quel est l’avantage pour le pays? »
Pour que le processus de transition réussisse, les gens doivent comprendre pourquoi c’est important. Southwood l’explique plus en détail dans son document, mais en quelques mots…
Couverture télévisée accrue
Dans de nombreux pays africains, la télévision est essentiellement un phénomène urbain. Les radiodiffuseurs privés ont tendance à coller aux zones urbaines où vivent ceux qui intéressent les publicitaires, alors que les radiodiffuseurs publics ont tendance à rejoindre les communautés rurales.
La diffusion numérique permettra aux gouvernements et aux régulateurs de faire de l’accès à la télévision un objectif d’accès universel (par exemple si la télévision atteint actuellement 55 % de la population, on pourrait fixer un nouvel objectif de 70 % dans les cinq ans, en adoptant une politique). Pour ce faire, on pourrait avoir une seule porteuse indépendante partagée par tous les diffuseurs ou plusieurs porteuses de signaux indépendantes offrant des infrastructures à louer ou même plusieurs consortiums de radiodiffuseurs partageant des porteuses de signaux différentes.
Comme Southwood l’explique : « Dans chaque cas, le but des diffuseurs est d’élargir la couverture pour atteindre le plus grand nombre de personnes intéressant les publicitaires, en particulier pur des biens comme l’alimentation et les boissons ».
Plus grande diversité de contenus
Les nouvelles chaînes de la télévision numérique permettent d’offrir plus de choix dans un large éventail de langues, plus de chaînes éducatives et de chaînes haute définition. « Les utilisateurs seront séduits par une plus grande diversité de contenus, à la fois des diffuseurs existants et des nouveaux venus », explique Southwood.
Nombre accru d’acteurs
Southwood recommande que les chaînes supplémentaires soient proposées au public d’une manière équitable et transparente. Comme avec l’attribution du spectre (lien), les chaînes reçoivent de l’espace – si les radiodiffuseurs n’utilisent pas les chaînes dans un certain laps de temps, ils devraient renoncer à leur droit de les utiliser et elles devraient être mises à la disposition des radiodiffuseurs qui ont une programmation à offrir.
Une autre incitatif consiste à réallouer du spectre de la radiodiffusion aux télécoms pour permettre des services internet et mobiles abordables offerts par les câblodistributeurs.
Davantage de chaînes = davantage de revenus
Que ce soit par la publicité, la télévision payante, les revenus d’abonnement, les revenus de licences ou les subventions publiques, ajout de chaînes devrait faire rentrer des revenus dans les coffres de l’État. Les revenus doivent correspondre aux dépenses engagées pour l’obtention des nouvelles chaînes, et les radiodiffuseurs privés sont les mieux équipés pour ce faire.
Les médias en tant que créateurs d’emplois et de richesse
Avec la nouvelle demande d‘émissions de télévision, les gouvernements et les régulateurs peuvent poursuivre des objectifs économiques en encourageant la croissance d’un secteur de production locale, ce qui peut se faire facilement en créant une forme de quota production locale comme mesure de transitoire (p. ex., seule la programmation locale est diffusée entre 19 h et 23 h ou 40 % de la programmation doit être locale.
Les agences cinématographiques locales pourraient recevoir un financement approuvé par le gouvernement – comme c’est actuellement le cas au Kenya, au Maroc et en Afrique du Sud). Les gouvernements peuvent également aider la production cinématographique locale en décourageant la piraterie individuelle et en réprimant la diffusion d’émissions pirates.
Voir tous les rapports et articles sur le passage à la diffusion numérique
_Cet article a été adapté du rapport de Russell Southwood « Migration vers la radiodiffusion numérique en Afrique de l’Ouest : Un survol et des stratégies pour accélérer la transition », rédigé pour APC. L’étude est publiée en anglais et en français .