La réforme des télécommunications au Nigeria a ouvert la voie à la dérégularisation à grande échelle et la libéralisation des marchés, ce qui a permis que des centaines de licences de radiodiffusion et de télécommunications soient allouées. Le pays dispose aujourd’hui du plus grand nombre de stations de radios (plus de 350 licences ont été attribuées) et de la plus grande industrie de mobiles en Afrique, avec le nombre d’abonnés mobiles représentant environ 16% des chiffres du continent.
Alors que la Nigeria Communications Commission (NCC), l’organisme chargé des licences de télécommunications dans le pays a connu beaucoup de succès avec sa méthode concurrentielle d’attribution de licences et de fréquences depuis 2001, la Nigerian Broadcasting Commission (NBC), la structure de réglementation qui supervise les licences de radiodiffusion, est quant à elle, incapable de remplir son rôle en tant qu’organe de réglementation parce que l’approbation finale par le président est nécessaire pour l’attribution des licences.
Avec la tendance générale qui à termes pourra voir les deux fusionner en un seul organisme de réglementation, il est temps de revoir la procédure d’attribution des licences de radiodiffusion – en particulier dans la nouvelle ère numérique, où il y aura beaucoup d’intersections entre les opérateurs de télécommunication et les diffuseurs – affirme Fola Odufuwa dans un nouveau rapport commandité par APC et intitulé Spectre ouvert pour le développement – Étude de cas du Nigeria,
Deux régulateurs, deux processus
Aussi bien la NCC que la NBC sont membres du Conseil national de gestion des fréquences, qui est un organisme faîtier en charge de la distribution du spectre au Nigeria. Alors que la NCC supervise, contrôle et attribue l’utilisation du spectre paux opérateurs commerciaux de télécommunications, la NBC est le seul organisme chargé de réglementer l’industrie de la radiodiffusion, en établissant les normes de diffusion et en instituant le respect de l‘équité et de la justice dans le secteur de la radiodiffusion.
Jusqu‘à présent, la NCC a réussi dans ses «concours de beauté», où de grands morceaux de spectre sont vendus aux enchères aux entreprises les plus offrantes, ainsi que dans sa politique du premier arrivé, premier servi pour les acheteurs individuels, écrit Odufuwa.
Il dit qu’il est largement admis que la NCC se conforme de manière adéquate aux meilleures pratiques de distribution, et a également été félicité pour avoir été en grande partie transparente avec ses programmes d’attribtion de licences.
Néanmoins, «il n’est pas certain que toutes les attributions de licences et de fréquences aient été entièrement publiques et concurrentielles, bien que l’organisme dispose du pouvoir juridique pour fixer les prix et attribuer les licences en utilisant des méthodes de sélection à sa seule discrétion», explique Odufuwa.
Cependant, la NBC, de part son décret de création, peut uniquement délivrer des licences sur la base de recommandations faites par le ministre au président, à qui revient «l’ultime pouvoir d’approbation». Ce qui signifie qu’aucune licence de radiodiffusion au Nigeria ne peut être obtenue sans l’approbation du président.
En théorie, n’importe qui peut demander une licence de radiodiffusion ainsi que les fréquences spécifiques qui vont de pair avec elle, tant que les conditions sont remplies. Cependant, du fait que généralement le processus de prise de décision de l’attribution de licence n’est pas toujours transparent, il n’y a aucune garantie qu’une demande sera acceptée, même si toutes les conditions ont été respectées, dit Odufuwa.
Au regard de cela, l’actuel président du Nigeria, Jonathan Goodluck, a récemment annoncé son intention de déléguer le pouvoir d’approbation à l’autorité de régulation.
La convergence réglementaire pourrait atténuer les processus inefficaces
Récemment, il y a eu aussi des discussions à propos de la fusion des deux organismes de réglementation au Nigeria, bien que le gouvernement doive encore se prononcer officiellement à ce sujet.
«La NCC est pour sa part en faveur d’une « loi commune et harmonisée », mais il semblerait qu’il faudrait une forte volonté politique du gouvernement pour unifier les agences de régulation, car il y a des intérêts bien établis et (naturels) d’auto-protection», écrit Odufuwa.
Si les deux entités doivent devenir une seule autorité de régulation des communications, la procédure de la NBC pourrait compromettre l’intégrité des pratiques standard de la NCC. En outre, exiger l’aval du Président pour le permis devient aussi lourd et hors de propos – dans la mesure où les frontières entre l’opérateur et le diffuseur deviennent floues (par exemple, un opérateur de téléphonie mobile de transmission de contenu TV sur son réseau devient un diffuseur), qu’adviendra-t-il de la procédure d’octroi des licences? L’attribution des fréquences nécessitera-t-elle également l’approbation finale du président ? Non seulement ce serait extrêmement inefficace, mais encore une fois, cela ouvre aussi la voie à un processus moins transparent, dit Odufuwa.
À l’heure actuelle, tout opérateur de télécommunications qui veut transmettre des signaux de radiodiffusion doit d’abord obtenir la licence de télécommunications et de fréquences de la NCC, puis obtenir la licence et les fréquences de radiodiffusion de la NBC. La préférence a été de s’associer à une entité ayant une licence existante, dit Odufuwa. «Par exemple, MTN Nigeria, un opérateur GSM national, diffuse le contenu de son émission DStv Mobile à ses abonnés en utilisant la licence DTH de l’opérateur de télévision par satellite, Multichoice. La fusion des deux organismes pourraient certainement contribuer à faciliter ce long processus».
Indépendamment du fait que les deux fusionnent ou non, conclut le rapport, il ya un besoin évident d’une plus grande transparence dans le processus d’octroi de licences dans l’ensemble, et en particulier, en ce qui concerne la réglementation de la radiodiffusion.
Le spectre ouvert peut accroître la transparence et une utilisation efficace
Comme mentionné plus haut, malgré le succès relatif de la méthode de la NCC dans la cession de licences et de fréquences, la mesure dans laquelle les opérateurs ayant reçu les fréquences attribuées utilisent celles-ci n’est pas spécifiquement connue.
Avec la disponibilité de plus en plus limitée de nombreuses fréquences de télécommunications dans le pays, le manque de moyens de contrôle signifie que certains opérateurs peuvent mal utiliser ou thésauriser des fréquences, tandis que d’autres qui auraient pu recevoir les fréquences et les utiliser, ne peuvent y accéder.
Ce manque de transparence dans l’utilisation du spectre est d’une importance particulière alors que le pays ouvre de nouvelles fréquences pour attribution.
Déjà la NCC prévoit d’“attribuer des fréquences dans les bandes de spectre de 700 MHz et 2,5 MHz aux opérateurs de télécommunications en 2011”:http://www.nigerianbestforum.com/generaltopics/?p=86738 afin de générer 40 millions de dollars US pour le gouvernement nigérian3. D’autres fréquences qui pourraient être ouvertes et mises à la disposition des services sans fil sont dans les bandes de 470 à 860 MHz, 1,2 à 1,6 MHz, 2,7 à 2,9 MHz, 3,6 à 4.2 MHz et 4.4 pour 5.0 MHz4.
Adopter une approche du spectre ouvert dans certaines bandes de fréquences pourrait apporter des changements significatifs aux insuffisances du système actuel de gestion du spectre.
«Il y a deux façons d’acquérir du spectre, soit directement en passant par les organismes de réglementation ou plutôt indirectement par l’acquisition de, ou la fusion avec une société d’exploitation. Il est rare de trouver une entreprise qui vende ses fréquences juste pour le plaisir de le faire », déclare Odufuwa.
Le spectre ouvert – la mise à disposition de fréquences radio sans licence qui sont disponibles pour une utilisation par tous (à condition qu’ils soient conformes aux règles régissant le comportement technique de leurs dispositifs) – améliorerait l’utilisation de la fréquence et donnerait lieu à une plus grande variété de diffuseurs et producteurs de contenus dans le pays.
Odufuwa conclut que deux questions méritent d‘être examinées dans le proche avenir.
Alors que le Nigeria migre vers la radiodiffusion numérique en 2012, les deux agences de régulation fusionneront-elles et dans ce cas, quelle pratique de réglementation prévaudra – les meilleures pratiques de la NCC, ou celles exigeant l’approbation du président utilisées par la NBC ?
Deuxièmement, quelles mesures seront-elles prises pour améliorer la transparence et l’utilisation du spectre et en particulier des fréquences de radiodiffusion récemment libérées de la migration vers le numérique?
Le spectre ouvert offre des possibilités d’accroître la transparence et l’allocation de licences ; il reste à voir si de telles opportunités sont identifiées et saisies par les parties prenantes au Nigeria.
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