Le réseau APC se réjouit de son tout nouveau membre en provenance de Kerala, Inde. L’adhésion de SPACE arrive à un moment critique où APC a renouvelé son engagement à mettre en œuvre et à promouvoir l’utilisation des technologies à effet transformateur.
A cette occasion et pour présenter l’histoire et le travail de SPACE, APCNouvelles entretien avec le Directeur Général, Arun Madhavan.
APCNouvelles: Comment SPACE Kerala a-t-il commencé? Parlez-nous des débuts de SPACE Kerala?
Arun Madhavan: L’Association pour la promotion de l’informatique alternative et de l’emploi (Society for Promotion of Alternative Computing and Employment – SPACE) a été fondée en 2003 par un groupe de militants pour les logiciels libres et à code source ouvert (FOSS) basé dans le Kerala. En 1996-97, le mouvement FOSS a commencé à gagner du terrain dans le Kerala. En 2001, le gouvernement de l‘État a annoncé qu’il allait adopter une politique pro-logiciels libres. Il a été le premier État de l’Inde à formellement agir ainsi. Il n’est pas surprenant que ce mouvement ait gagné en popularité parmi les militants – Kerala est connu pour son modèle de gouvernance alternative, largement guidé par l’activisme social.
En 2001, le gouvernement du Kerala a lancé un programme visant à intégrer les TIC à l‘école. Cette initiative a été baptisée IT@School Project. La Free Software Foundation of India (FSF-India), dont les débuts se situent environ à cette époque, a décidé d’en faire/ de transformer cela en un débat public sur la liberté informatique. Le débat public qui a suivi a finalement conduit à une situation où le gouvernement a décidé d’abandonner les plates-formes propriétaires et de passer au logiciel libre. Le gouvernement avait besoin d’une entité formelle qui pourrait l’aider dans le processus de passage aux logiciels libres. C’est dans ce contexte que SPACE a été créé.
APCNouvelles: Le FOSS a été une priorité d’APC pendant de nombreuses années et SPACE constitue un important moteur de promotion et d’appui pour le FOSS. Quelles sont selon vous vos principales réalisations dans ce domaine et quel savoir-faire spécifique apportez-vous à APC?
AM: Dès le tout début, l’utilisation des logiciels libres dans l‘éducation a été une priorité pour SPACE. Cette expérience particulière dans le Kerala a été saluée par le gouvernement indien comme le meilleur modèle pour les TIC dans l‘éducation.
SPACE a beaucoup d’expérience avec les logiciels libres dans l‘éducation, en particulier dans l‘élaboration de programmes à l’aide de logiciels libres, la formation des enseignants et la planification des programmes.
APCNouvelles: SPACE a mené un excellent travail dans l’appui à l’accès au TIC des personnes vivant avec un handicap/ à capacité réduite, ou «capacités différentes». Dans quelle mesure les TIC ont-elles contribué à améliorer l’inclusion sociale et économique pour les utilisateurs ayant des limitations fonctionnelles/différemment pourvus?
AM: En 2007, SPACE a commencé à former les non voyants sur l’utilisation des logiciels. À ce jour, nous avons formé plus de 1000 personnes malvoyantes, dont beaucoup sont des formateurs de formateurs. Cela a contribué à favoriser/promouvoir une communauté d’utilisateurs de logiciels libres ayant des déficiences visuelles et qui fournissent des informations à la communauté technologique, contribuant au développement des logiciels libres.
En 2009, le travail de SPACE est allé au-delà des programmes pour les malvoyants. Nous avons commencé à travailler avec des enfants ayant des déficiences motrices et cognitives, en développant principalement des outils et des mécanismes d’appui pour les élèves et leurs familles. Actuellement SPACE met l’accent sur le transfert de l’expérience qu’elle avait acquise à d’autres organisations afin que la situation qu’elle a créée puisse être reproduite.
APCNouvelles: Y a- t-il d’autres initiatives que vous aimeriez partager avec la communauté d’APC?
AM: En 2008-09, SPACE a mené une enquête dans les collèges auprès d‘étudiants inscrits dans les branches de formation générale. Les résultats ont montré que les élèves de sexe féminin étaient moins sensibilisés aux TIC en comparaison avec leurs homologues masculins. Nous avons découvert que le renforcement des capacités en matière de TIC se faisait à travers un processus d’apprentissage par les pairs – aucun système formel n’existait. Il ne s’agissait pas en tant que tel d’un problème de logiciels libres, mais SPACE aperçu cela comme une opportunité pour promouvoir les logiciels libres auprès des nouveaux utilisateurs.
Les hommes avaient une conscience plus accrue des TIC parce qu’ils étaient beaucoup plus reliés aux processus d’apprentissage par les pairs. L’inégalité entre hommes et femmes relative à la sensibilisation aux TIC est en fait perpétuée par les normes sociales et culturelles. Tout d’abord, les systèmes d’apprentissage formel par lesquels les filles ont l’habitude d’acquérir de nouvelles compétences et des connaissances ne sont pas mis à jour pour les TIC. Dans le même temps, les normes sociales limitent leur accès à la connaissance des logiciels libres à travers l’apprentissage par les pairs. Ensuite, il y a une perception négative de technologies comme l’internet qui a été perpétuée par les médias. Une large couverture médiatique des aspects négatifs des nouvelles technologies a entraîné une situation où la société en général et les filles en particulier regardent avec suspicion les femmes et les filles qui utilisent la technologie. Une sorte d’auto-censure était en place. Cependant, nous avons également découvert que les filles étaient techniquement plus capables que les garçons dans l’utilisation des ordinateurs.
À la suite de cette étude, SPACE, en collaboration avec l’Association pour le développement des femmes (Women’s Development Corporation), a piloté un programme de sensibilisation aux TIC pour les étudiantes. Le gouvernement prend également des initiatives politiques pour corriger cette inégalité de genre. SPACE a aussi mené des initiatives séparées pour le développement des médias communautaires avec l’aide de logiciels libres.
APCNouvelles: Qu’est-ce qui est unique à SPACE?
AM: SPACE est un groupe multi-acteur. Il a la rigueur du militantisme mais emploie également la discipline d’une organisation pour faire advenir le changement social.
Faire du militantisme, c’est créer de nouvelles idées tout en utilisant la structure existante. Nous arrivons à équilibrer plutôt bien ces deux forces. Nous sommes allés au-delà des logiciels libres pour aborder les questions de genre et les initiatives relatives aux handicaps. Notre slogan affirme, «SPACE – Là où le logiciel libre est un mode de vie», et nous essayons d’utiliser l’esprit du logiciel libre pour apporter un changement social. Pour nous, le logiciel libre ne concerne pas uniquement les logiciels.