Les pays d’Afrique de l’Ouest sont actuellement en pleine course contre la montre pour faire passer leur radiodiffusion de l’analogue au numérique. Un atelier régional d’une journée, organisé par l’Association des régulateurs de télécommunications de l’Afrique de l’Ouest (ARTAO) et la CEDEAO a permis d’émettre des recommandations et de définir des étapes à suivre pour aider les pays en transition.
En 2006, un accord de l’Union internationale de télécommunications a approuvé le passage de l’analogue au numérique avant 2015 pour tous les pays. Souhaitant mieux sensibiliser les membres de l’ARTAO à ce processus et à l’approche de la date limite, APC et Balancing Act, en collaboration avec l’Open Society Initiative, ont sponsorisé un atelier de travail sur la migration qui a eu lieu à Accra en juin 2010.
Les participants à l’atelier provenaient d’organismes de régulation, de la société civile, d’organisations non-gouvernementales, de la presse, d’opérateurs de radiodiffusion et de télécommunications ainsi que du service d’experts politiques ministériels, et appartenaient aux quinze membres de l’Association des régulateurs de télécommunications de l’Afrique de l’Ouest (ARTAO) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Après un examen du sujet, des bénéfices, des défis et expériences de certains pays, les participants à l’atelier ont émis des recommandations à mettre en œuvre par les responsables de la transition dans leurs pays respectifs.
Séparer les fournisseurs de contenu et les diffuseurs de signaux
Pour utiliser au mieux les capacités des infrastructures existantes de radiodiffusion et promouvoir la création de contenu, les fournisseurs de contenu (diffuseurs) et les distributeurs de signaux devraient être des entités séparées, fonctionnant selon des politiques et des cadres séparés. Il est de la responsabilité du régulateur de décider des mécanismes d’octroi de licences.
L’infrastructure publique existante pour la radiodiffusion devrait être le pilier des nouveaux distributeurs de signaux. Ce faisant, les nouveaux distributeurs de signaux devront absorber les coûts et négocier les conditions commerciales de transfert de propriété, tout en maintenant la propriété entre les mains du gouvernement.
Restructurer le cadre d’octroi de licences de la radiodiffusion
En raison des changements dans l’infrastructure et les processus provoqués par la transition, le cadre d’octroi des licences devrait être restructuré comme suit :
- Deux catégories de licences distinctes : une licence pour la diffusion de contenu autorisant à créer du contenu, et une licence pour la distribution des signaux radiodiffusés autorisant à octroyer une plateforme de réseaux à tous les radiodiffuseurs, pour une durée de cinq ans ;
- La durée d’une licence de distribution de signaux radiodiffusés, pour prendre en compte le lourd investissement consenti et le grand apport de capital nécessaire à ce type de projet d’infrastructure, devrait être de quinze ans ;
- La fonction du diffuseur devrait rester séparée de celle du distributeur de signaux, qui devrait être offerte par une entreprise séparée ;
- Toutes les licences actuelles devraient être converties à la nouvelle licence de contenu radiodiffusé ;
- Toutes les nouvelles licences de contenu radiodiffusé devraient spécifier la zone de couverture ciblée selon le cadre pour les diffuseurs de contenu qui suit : licence communautaire, pour une ville, un État, régionale, et nationale.
Ce qui devrait être de la responsabilité du distributeur de signaux radiodiffusés
Étant donné leur rôle crucial dans le nouveau processus de transmission, les nouveaux distributeurs de signaux devraient:
- Fournir leurs services aux diffuseurs sur une base équitable, raisonnable, non préférentielle et non discriminatoire ;
- Adhérer aux conditions de licence établies par le régulateur;
- Offrir des services de diffusion de qualité ;
- Offrir une couverture nationale tout en s’assurant que les fournisseurs de contenu s’en tiennent à la zone de couverture qui leur a été assignée ;
- Informer régulièrement le régulateur de l’utilisation des canaux de fréquence ;
- Prendre en compte les différentes catégories de licence et les paramètres techniques pour déterminer les tarifs.
Cadre réglementaire pour guider l’octroi de licences pour les services de transmission numérique terrestre (TNT)
La transition à la diffusion numérique exigera des interventions régulatrices spécifiques aussi concrètes que possible. Le régulateur devrait réaliser une étude des tendances avant de déterminer la nature de l’intervention à effectuer dans la régulation de ce secteur.
Les pays devraient encourager une politique régionale coordonnée pour l’introduction de la diffusion numérique. Celle-ci devrait être réalisée par le biais de la CEDEAO et de l’Union africaine (UA). Les régulateurs devraient également tenir des réunions de coordination sur le spectre avec les pays voisins.
Gérer le dividende numérique
La transition de la radiodiffusion de l’analogue au numérique va libérer de grandes quantités de spectre. Il est recommandé aux gouvernements qu’ils revoient les octrois réalisés selon le Plan GE-06 de l’UIT pour gérer le spectre récemment libéré avec les outils de planification de la fréquence disponibles et les dernières techniques de propagation.
Convergence
Le concept de convergence renvoie à des technologies aussi diverses que la voix (et les accessoires de téléphonie), les données (et les applications de productivité) et la vidéo, qui partagent désormais leurs ressources et interagissent.
Les gouvernements devraient chercher à examiner les questions liées à la convergence et à prendre une décision dès que possible dans l’intérêt du secteur et de l’économie nationale.
Standards techniques
Pour garantir la compatibilité, il est important de définir les standards de diffusion numérique pour la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. Il conviendra notamment d’identifier et d’analyser les standards existants de diffusion numérique dans le monde pour mieux choisir les normes les plus appropriées selon le pays.
Décodeurs TV
Le standard recommandé pour le réseau de transmission est le DVB-T2. Les décodeurs TV devraient donc être conformes aux standards DVB. On établira les spécifications (diffusé en clair, accès sous condition, entrée de bas niveau, etc.) lors de discussions plus générales sur les politiques.
Avec un marché garanti de plus de 90 millions de foyers, on estime que plus de 200 millions de postes de télévision nécessiteront un décodeur en Afrique de l’Ouest. Les gouvernements devraient donc prendre des mesures pour attirer les fabricants potentiels, avec pour objectif d’octroyer une licence à un maximum de trois fabricants de décodeurs.
Ces mesures devraient comprendre :
- Un congé fiscal sur les intrants manufacturiers ;
- Une exemption des droits de douane pour l’importation d’équipements de production ;
- Une politique du gouvernement pour protéger le marché grâce à un moratoire sur les importations de produits similaires pendant une période donnée ;
- L’assurance d’une sécurité satisfaisante ;
- La mise à disposition de l’infrastructure nécessaire, notamment l’électricité, l’eau courante, etc.
Développer un contenu local et régional
Des récompenses devraient être attribuées pour inciter les professionnels des médias, des arts du théâtre, de la communication et les écrivains à créer des contenus qui puissent être diffusés à la télévision. Il faudrait reconnaître que les départements d’arts créatifs, notamment dans les institutions du tertiaire, sont une source importante de contenu local et des fonds appropriés devraient leur être alloués pour promouvoir l’excellence dans ce domaine. Il est évident que l’importance des droits intellectuels ne devrait pas être négligée et qu’il faudrait les faire respecter avec notamment des lois sur le droit d’auteur.
Sensibiliser les consommateurs au sujet
Le succès du programme de transition dépendra largement de la façon dont les consommateurs africains seront informés des points principaux de ce programme. Les postes de télévision devraient également être étiquetés pour informer les consommateurs des produits qu’ils achètent, avec des indications telles que « dans tel pays, ce poste ne pourra pas recevoir de signaux de télévision sans décodeur après juin 2012 (date à adapter selon le pays) ».
Questions environnementales à traiter
La transition à la diffusion numérique engendrera sans aucun doute des quantités sans précédent de déchets électroniques à mesure que les anciens modèles analogiques seront remplacés par les postes numériques. Le modèle choisi par la Suisse à ce sujet est un modèle à suivre, puisque tous les acteurs (fabricants, grossistes et détaillants) doivent avoir une licence. Il est également recommandé de :
- Faire payer le recyclage dans les points de vente pour l’achat de tout appareil électronique, et mettre en place des centres de démontage ;
- Sensibiliser le public à l’existence de centres de recyclage ;
- Octroyer une licence à tous les importateurs d’appareils de transmission et de réception en tant que revendeurs d’appareils de diffusion agréés par le régulateur.
Financement de la transition
La transition nécessitera un financement considérable pour être mise en œuvre avec succès. Le secteur des télécoms bénéficiera du programme de transition (dividende du spectre, offre de diffusion IP [IPTV], services de télévision mobile, etc.) et le fonds de service universel peut potentiellement servir à sa mise en place dans les différents pays. Avant que le processus ne commence, chaque pays devrait toutefois déterminer quelles seront les dates charnière et commencer dès à présent à informer le public.
Lire le rapport régional sur le passage à la diffusion numérique [en anglais]
Lire d’autres rapports et articles sur le passage à la diffusion numérique en Afrique de l’ouest
Photo par Fredrik Ruda. Utilisé aver permission