Le réseau d’organisations membres d’APC ne cesse de grandir. Parmi les plus récentes adhésions, il y a celle de Servelots, une organisation basée en Inde, qui a officiellement rejoint le réseau en juillet dernier.
Cependant, son implication au sein d’APC remonte à quelque temps déjà. En 2019, elle a fait partie d’une communauté d’apprentissage par les pairs, composée de 12 organisations sélectionnées dans le cadre du projet Connecter les non connectés : soutenir les réseaux communautaires et d’autres initiatives de connectivité à base communautaire.
APCNouvelles s’est entretenu avec Servelots pour en savoir plus sur l’organisation et les raisons qui l’ont poussée à rejoindre le réseau des membres d’APC.
APCNouvelles : Pouvez-vous nous parler de votre organisation ?
Servelots : Servelots a été fondé en 1999 par un groupe d’informaticien·ne·s qui voulaient utiliser la programmation générative pour résoudre les problèmes du monde.
À l’époque, le monde tel qu’il était envisagé par la Silicon Valley était un monde de communautés virtuelles de pratique (fondées sur un but précis). En 2002, Servelots lance Janastu, un collectif social techno à but non lucratif, toujours dans l’esprit de tisser des liens avec des projets communautaires. Janastu signifie « Les gens, lâchez prise ». Ceci faisait contraste avec l’approche des communautés virtuelles de pratique (CVP) qui non seulement supposait que le monde était connecté, mais qui insinuait aussi qu’il fallait associer et identifier les personnes à un but précis.
L’approche des CVP considère la technologie dans une optique essentiellement utilitariste. Nous reconnaissons que les prouesses technologiques de notre époque permettent à tous et toutes – indépendamment de leur caste, de leur classe sociale ou de leur degré d’alphabétisation – de créer, d’exprimer et d’archiver leurs propres voix pour la première fois de l’histoire humaine (l’internet, les réseaux communautaires et les appareils mobiles en sont des exemples). En observant cette dynamique, nous avons intentionnellement commencé à envisager l’inclusion des personnes marginalisées par l’analphabétisme.
Nous voulons fournir les moyens nécessaires aux populations marginalisées, en particulier aux femmes, afin qu’elles puissent raconter leurs histoires. Pour qu’elles puissent les raconter à nouveau, les conserver, et qu’elles puissent agir et construire à partir de ces histoires.
Comment se concrétise cette inclusion ? Sur le spectre de l’inclusion, il existe deux pôles. D’un côté, on imagine des façons de rendre internet et ses contenus accessibles à tous et à toutes, en particulier aux communautés peu alphabétisées. Et de l’autre, on favorise la création de contenu par tous et toutes, en particulier la création de contenus non textuels par les communautés peu alphabétisées.
Nous avons travaillé aux deux pôles de ce spectre, mais aussi entre les deux. Pour ce qui est de rendre les contenus accessibles à tous et toutes, il y a par exemple le projet « Renarration Web », basé sur les annotations web. Quant aux initiatives de radios communautaires et de réseaux communautaires maillés, elles visent à faciliter la création de contenu. Nous organisons également des événements que nous appelons Anthillhacks dans le but de réunir des communautés urbaines férues de technologie et des communautés rurales peu alphabétisées. Pour nous, il est stimulant de découvrir la diversité de nos méthodes traditionnelles de narration et de récits.
APCNouvelles : Qu’est-ce qui vous a incités à rejoindre le réseau d’APC ?
Servelots : Nous pouvons compter sur un grand réseau d’amitiés, et dans celui-ci on retrouve des réseaux pastoraux, des mouvements pro-logiciels libres, des conteurs et conteuses nomades, des groupes de travail sur les normes d’internet, des communautés d’artisanat, des visionnaires du développement rural, etc. Avec APC, nous avons découvert un réseau dont les initiatives technologiques et communautaires visent à créer des communautés de savoir égalitaires, tout en mettant l’accent sur le Sud global.
En devenant membre d’APC, nous exprimons notre appréciation du soutien que nos activités et nos orientations ont reçu (et continuent de recevoir) au cours des dernières années. Ce soutien nous a poussés à aller de l’avant dans nos efforts pour nous intéresser aux limites des technologies et à l’inclusion des communautés faiblement alphabétisées.
APCNouvelles : Que pensez-vous pouvoir apporter en tant que membre, et quelles sont vos attentes envers APC ?
Servelots : Nous espérons mettre en évidence la nécessité de considérer les communautés marginalisées et peu alphabétisées. Parallèlement, nous souhaitons aussi travailler ensemble pour faire avancer les technologies de réseau dans ces mêmes communautés. Tout ceci, nous le faisons afin qu’elles deviennent des utilisatrices « de première classe » de l’internet. Nous souhaitons qu’APC ne se concentre pas seulement sur la « connexion des non connecté·e·s », mais qu’elle déploie aussi des moyens plus nuancés et adaptés localement afin de connecter à l’internet les personnes marginalisées en raison de leur caste, leur classe et leur niveau d’alphabétisation.
Pour de plus amples informations sur les nombreuses activités menées par Servelots par le biais de Janastu, cliquez ici.