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Sulá Batsú, nouveau membre d’APC, est une coopérative autogérée en activité depuis 2005 au Costa Rica. Elle se comprend comme une collectivité de travail et de transformation et son expérience s‘établit autour du partage de connaissances, de l‘économie solidaire et des technologies de l’information et de la communication. APCNouvelles a interviewé Margarita Salas de Sulá Batsú, afin de connaitre les défis auxquels fait face la coopérative, les ouvertures et les difficultés qu’apporte l’internet dans le contexte costaricain, le lien entre genre et technologie et sa perspective sur ce qui s’entend par “économie sociale et solidaire”.

Quelle a été votre expérience de travail en tant que coopérative?

Travailler en tant que coopérative et particulièrement comme coopérative en autogestion nous a apporté de profondes satisfactions, mais nous avons également eu à faire face à de grands défis. Nous avons pu mettre sur pied une entreprise sociale, basée sur des références différentes, fondées sur la coopération et non pas sur la concurrence. Il est très agréable de pouvoir démontrer dans la pratique qu’il est bel et bien possible de créer une entreprise durable à la fois sur le plan social et économique, car cela encourage d’autres groupes à former leur propre société.

Certains des défis rencontrés étaient liés à la gestion de l’entreprise. La plupart des paramètres sont conçus pour des coopératives travaillant avec des biens tangibles (elles plantent du café, vendent des meubles, proposent des crédits, etc.) tandis que notre groupe offre des produits et des services de connaissance (méthodologies, recherches) qui sont intangibles.

Comment utilisez-vous les TIC dans votre travail quotidien?

Nous mettons l’accent sur l’information, la communication et la connaissance plutôt que sur les plates-formes technologiques. Nous croyons que c’est l’interaction créative et menée dans la réflexion qui crée les conditions du changement social. C’est la raison pour laquelle nous reprenons des éléments de la tradition orale, de l’éducation populaire, de différentes disciplines des sciences sociales ainsi que les applications les plus récentes des technologies de l’information et de la communication.

L’utilisation stratégique des TIC implique pour nous, femmes membres de la coopérative, de chercher et d’utiliser les programmes qui donnent aux individus et aux communautés une plus grande indépendance et appropriation de l’application. C’est dans ce sens que nous encourageons et préférons le recours aux logiciels libres et aux outils disponibles gratuitement. Nous favorisons ainsi l’utilisation d’outils qui permettent une plus grande interactivité, comme ceux qui sont dénommés web 2.0.

Pouvez-vous nous donner un exemple d’initiative qui montre comment les TIC peuvent être utilisées de façon novatrice?

Je pense que l’une des utilisations les plus novatrices est la manière dont les TIC favorisent la participation des citoyens dans les processus politiques de leur pays. L’année passée a eu lieu pour la première fois dans l’histoire du Costa Rica un référendum, lié à l’approbation ou au refus du Traité de libreéchange entre les États-Unis, l’Amérique centrale et la République Dominicaine (CAFTA).

Le mouvement d’opposition au TLC (regroupant des universités, des mouvements sociaux, des syndicats et des coopératives) a basé toute sa stratégie de communication sur l’utilisation de médias alternatifs et numériques et sur la combinaison de technologies nouvelles et anciennes, puisque les médias de masse étaient dans les mains de compagnies en faveur de cet accord. Le gouvernement, à son tour, diffusait de l’information profondément partiale.

Plusieurs sites internet ont été créés [www.concostarica.com ; notlc.com ; www.comitespatrioticos.com ] sur lesquels nous avons mis en ligne des documents, des analyses politiques, des caricatures, des décalcomanies, de petites vidéos, des émissions de radio et un agenda hebdomadaire d’activités. Cet ensemble d’éléments a aidé à renforcer l’identité du mouvement social, à former de nombreux groupes et organisations à l’utilisation des TIC, à multiplier la pratique du journalisme citoyen sous forme de radios en ligne, de blogues de nouvelles et de reportages diffusés par le biais de YouTube.

Le mouvement a perdu le référendum mais n’est pas mort pour autant. Il est toujours vivant et aborde différents thèmes portant sur le développement du pays. À titre d’exemple, citons la création d’un journal numérique (www.elpais.co.cr ) qui met en avant une vision alternative et publie des nouvelles qui n’apparaissent pas dans la presse nationale traditionnelle.

Il n’est pas toujours facile d’établir le lien entre genre et TIC. Comment concentrez-vous votre travail dans ce domaine ? Quel genre d’initiatives avez-vous menées ?

Pour nous, le lien entre genre et TIC est comme une route à deux voies où nous recherchons constamment d’une part comment les technologies peuvent promouvoir l’équité de genre sur différents plans (économique, politique, personnel) et d’autre part la façon de rendre visibles les contributions, qui ne sont pas toujours tellement reconnues ni valorisées, apportées par les femmes au domaine des TIC.

L’un de vos domaines d’intérêt est l’économie sociale solidaire. Quelle est votre expérience quant au potentiel des TIC sur cette question?

En tant que coopérative, nous croyons que l’économie sociale solidaire a un rôle fondamental dans le développement de nos pays, en vue d’arriver à un modèle social inclusif, empreint d’une plus grande justice distributive. Dans cette mesure, renforcer les entreprises d’économie sociale revient à renforcer le développement durable du pays. Les TIC sont un outil fondamental qui peut contribuer à consolider ces entreprises.

Quelle est la situation actuelle des TIC au Costa Rica et que faites-vous pour l’améliorer?

Même si notre pays a connu d’importants succès en matière d’accès en général, il est toujours confronté à certains défis pour ce qui est de l’accès pour les populations rurales et autochtones. Les défis centraux concernent toutefois l’utilisation et l’appropriation des technologies. Le Costa Rica n’a pas réussi à mettre en place avec succès une stratégie nationale de télécentres ou de centres communautaires.

De manière générale, l’une de nos principales contributions est le développement de recherches-actions participatives, qui non seulement génèrent des données actualisées et mettent en exergue des problématiques, mais construisent aussi des processus et des propositions de manière collective.