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Sylvie Niombo est la directrice exécutive d’Azur Développement, une petite ONG qui travaille dans le domaine du genre et des TIC au Congo et qui est membre d’APC. Azur a participé au projet Communiquer pour influer en Afrique centrale, de l’Est et de l’Ouest (CICEWA), comprenant des activités de recherche et de plaidoyer sur les politiques nationales de TIC et la réforme des télécommunications dans divers pays africains. Peu après le début du projet, l’intégration des femmes à la stratégie nationale des TIC est devenue une priorité pour eux. Niombo parle des divers défis et opportunités que le projet CICEWA a représentés et comment il a été possible d’incorporer le genre aux plans des TIC au Congo.

APCNouvelles: En quoi la participation au projet CICEWA a-t-elle aidé votre organisation?

Sylvie Niombo: En participant à ce projet de CICEWA, nous avons été reconnus comme une organisation et avons beaucoup plus de crédibilité aujourd’hui. Beaucoup plus de gens savent qui nous sommes, une organisation de femmes qui travaille avec les TIC, et nous sommes invités plus que jamais à des réunions et ainsi de suite. Je pense que c’est un des grands avantages de participer à ce projet. En termes de réseautage, cela a également renforcé notre travail avec les organisations locales qui travaillent dans le domaine des TIC, dont beaucoup travaillaient déjà avec nous, mais la différence, c’est que nous rejoignons des organisations de défense des droits humains qui s’intéressent maintenant aux TIC et qui participent aux réunions et aux activités. Nous voyons qu’elles s’intéressent davantage aux femmes et aux TIC – et non seulement aux TIC.

Nous avons également acquis de nouvelles compétences. Nous devons être réalistes car le projet n’a pas duré très longtemps, notamment en ce qui concerne le plaidoyer, mais nous avons acquis de nouvelles compétences en recherche car nous avons dû apprendre comment le secteur des télécommunications évolue et nous rencontrer pour discuter avec des personnes clés, rechercher et analyser des documents, etc. À ces nouvelles compétences s’est ajoutée une meilleure compréhension des questions liées aux télécommunications au Congo.

Il a également donné un coup de pouce à notre travail, en particulier pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD 3). Nous demandons plus spécialement des points d’accès publics pour les femmes et les filles et pour les personnes vulnérables (tels que les populations rurales, les personnes handicapées et les populations autochtones). Nous travaillons également pour une augmentation du financement de la formation sur les TIC et les programmes de renforcement des capacités qui s’adressent à ces groupes, pour la création d’espaces adaptés aux besoins des femmes et pour l’intégration du genre dans les domaines politiques, judiciaires et institutionnelles liés aux TIC, où se situe l’intersection avec notre travail sur le troisième Objectif du Millénaire pour le développement.

Notre réseautage pour CICEWA et notre plus grande crédibilité ont amélioré le travail de sensibilisation que nous faisions pour l’OMD 3. Des petites choses, par exemple, l’obtention de pièces pour tenir nos réunions pour les lauréats des petites subventions OMD3 et davantage de confirmation plus à l’avance. Ce ne serait jamais arrivé avant, donc je pense que CICIEWA a contribué à renforcer notre crédibilité en général.

APCNouvelles: Quel genre de défis avez-vous dû relever dans le cadre de votre travail sur CICEWA?

SN: Nous avons eu quelques difficultés à obtenir des informations, car elle n’est pas toute recueillie à un seul endroit. L’information est disparate et répartie entre plusieurs administrations et ministères. Il faut donc du temps pour la trouver et passer par les différentes étapes bureaucratiques.

Nous avons également connu des difficultés avec les médias pour communiquer les questions au public. Au Congo, les journalistes ont tendance à se contenter de raconter un événement plutôt que de présenter des analyses qui décomposent les questions pour le lecteur. Il y a très peu de financement pour les TIC car on suppose que les grandes entreprises de TI s’en chargeront, mais ce n’est pas le cas pour les petits événements, et il devient assez difficile d’obtenir des journalistes qu’ils s’y intéressent, à moins de pouvoir payer leurs dépenses

En outre, l’insuffisance du financement nous empêche d’étendre notre travail. Lorsque nous formons des organisations, si elles n’ont pas l’argent pour mener des actions sur le terrain, l’impact reste très faible. La formation a ses limites s’il n’y a pas d’argent pour faire le travail sur le terrain une fois qu’elle est terminée. C’est pourquoi notre travail avec le MDG3 a été vraiment positif: les organisations que nous avons formées ont reçu de petites subventions et ont pu les utiliser pour le travail qu’elles mènent sur le terrain. Dans la même veine, nous pourrions donner un coup de pouce à la formation au plaidoyer que nous avons dispensée pour CICEWA si nous disposions de plus de fonds. La recherche sur le CICEWA nous a permis d’en savoir plus sur les questions d’infrastructures et sur les lois et les règlements en matière de TIC, ce qui nous a permis de mieux comprendre le contexte dans lequel nous avons effectué notre travail sur l’OMD3 pour atteindre l‘égalité pour les femmes.

APCNouvelles: Comment avez-vous réussi à intégrer le genre dans le projet CICEWA?

SN: Nous avons utilisé la méthodologie d‘évaluation du genre d’APC dès le début. La méthode nous a permis de présenter des statistiques et des informations que les décideurs peuvent comprendre – des chiffres concrets qui illustrent la fracture numérique au Congo. Une des premières choses qui nous a frappés, c’est le peu connaissances au sujet des femmes et du secteur des TIC. Au Congo, il ya très peu de femmes dans ce domaine, et même s’il y en a, elles participent rarement à la société civile, ce qui est un problème de sensibilisation. L’autre chose, c’est que le secteur des TIC a toujours été considéré comme un domaine masculin; les femmes ont donc de la difficulté à agir parce qu’elles n’ont généralement pas accès aux compétences de base. C’est pourquoi avec notre travail sur CICEWA, nous avons adapté notre plan d’action à quelque chose qui correspondait à notre pays. Par exemple, dans GOReTIC, le réseau francophone de CICEWA, nous avons tous rédigé le même plan d’action – mêmes actions et axes stratégiques, etc., nous avons donc dû adapter le nôtre. Si vous aviez vu notre plan initial et ce que nous avons réellement fait sur le terrain, vous verriez qu’il n’a pas fallu longtemps avant que notre travail sur le terrain change.

L’intégration du genre dans le système politique est un processus toujours en cours qui n’a pas encore été finalisé. Nous avons commencé le travail, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous avons fait une analyse de la politique actuelle et constaté qu’elle posait de nombreux de problèmes. Le GEM nous a aidés à définir des indicateurs et nous a également permis de mesurer les progrès accomplis. Nous avons recommandé certaines modifications à la politique en fonction des résultats que le GEM nous a donnés. Nous avons donc proposé un projet de plan d’action qui intègre le genre et les TIC et qui pourrait s’appliquer à la stratégie nationale de TIC, à l’heure actuelle, il existe de nombreux projets de plans d’action, dont aucun n’intègre une perspective du genre, la création d’un Fonds des TIC auprès du ministre des Postes et des Télécommunications, ainsi que des bourses et des programmes de formation pour les femmes et les filles.

Les modifications que nous proposons comprennent (i) la création de points d’accès et de stations de radio communautaire dans de grands établissements (hôpitaux, bibliothèques et églises), (ii) des programmes incitatifs de TIC visant à promouvoir les droits des femmes. Nous avons également recommandé que ceux qui travaillent dans le domaine des TIC dans le pays suivent une formation de sensibilisation au genre et nous pensons également proposer l’intégration de modules de formation pour les femmes en politique, créés par le ministère des Femmes.

En réponse, la Direction des technologies nouvelles (l’organisme gouvernemental en charge des nouvelles technologies) a mis sur pied une petite équipe chargée d’examiner le plan d’action que nous avons proposé; nous sommes donc heureux car nous estimons que ces mesures sont des étapes importantes et montrent une volonté de travailler dans ce sens. Bien que les décideurs n’aient fait aucun commentaire officiel sur le projet de plan d’action, ils nous ont fourni une « feuille-de-route » pour nous aider dans ce processus. Le GEM, combiné au processus du CICEWA, nous a aidés à aller de l’avant comme acteur important dans le secteur des TIC au Congo.

Photo par Ricardo Cabrera Letelier. Utilisé avec permission sous la licence Creative Commons 2.0

 

 

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