L’accès à internet est soumis à des restrictions croissantes dans le monde entier, y compris dans de nombreux pays africains, comme nous l’avions rapporté il y a quelques mois dans “It’s like being cut off from the world” (en Français: "C’est comme être coupé du monde"). C’est particulièrement le cas en Ouganda, où le membre le plus récent du réseau d'APC, Unwanted Witness, est basé. Nous nous sommes entretenus avec Dorothy Mukasa, directrice exécutive de l'organisation, à propos des coupures d'internet et autres violations des droits de l'homme en ligne dans un pays qui connaît un niveau élevé de corruption, de chômage et de pauvreté.
Unwanted Witness a été créé en 2012 par un groupe d'internautes, de blogueurs, de militants, d'écrivains et de défenseurs des droits de l'homme dans le but de combler le déficit de communication efficace en utilisant diverses plateformes d'expression en ligne. Les travaux les plus récents du groupe de défense des droits en ligne incluent le dépôt d'une plainte demandant au gouvernement de leur pays, aux fournisseurs de services Internet et aux autorités de réglementation d’expliquer les derniers arrêts du pays. C’est une grande partie de notre travail, car les interruptions d’internet violent les droits constitutionnels à la liberté d’expression et d’information et touchent toute la population du pays, y compris les entreprises,” a souligné Mukasa. “Il est important que les gens soient conscients des implications économiques ainsi que des violations de la Constitution et des droits.”
Engagement du public sur les politiques de l'internet
Le travail phare de Unwanted Witness, Cyber Policy, est une plate-forme informative et interactive de participation civique offrant des opportunités d’engagement public et de discussions sur les décisions qui affectent les utilisateurs d’internet et les communautés en Ouganda. Cette initiative est directement liée à la devise de l’organisation : “ Amplifier les voix et changer des vies.”
Mukasa nous a dit : “Amplifier les voix des personnes qui n'ont ni les moyens ni les ressources est la clé de notre travail”. “Depuis 2015, nous avons aidé plus de 200 journalistes ruraux indépendants en Ouganda à acquérir des compétences et des outils techniques leur permettant de créer une fraternité de journalistes indépendants autonome en campagne. Nous les encourageons à s'organiser en réseaux régionaux, leur fournissons des ordinateurs, développons des sites web pour eux, leur fournissons des connexions internet et les aidons à acquérir des compétences en matière de sécurité numérique et de gestion de sites web,” a-t-elle expliqué. “Certains de ces réseaux sont maintenant enregistrés en tant qu'organisations communautaires et utilisent les compétences et les outils acquis pour exiger la responsabilité et faire progresser les droits humains dans leurs communautés.”
Au niveau des politiques, Unwanted Witness a initié et activement influencé le processus de l'actuelle loi ougandaise sur la protection des données et de la vie privée 2019, adoptée en début d'année. Cela impliquait de créer des alliances avec des personnes et des groupes de différents secteurs, d'analyser le projet de loi, de soumettre des propositions au Parlement et de convoquer des événements publics.
“Nous pensons vraiment que l’Ouganda a besoin d’une approche des droits de l’homme pour la réglementation des plateformes en ligne. Avoir une loi sur la protection des données serait un pas en avant vers la reconnaissance et le respect du droit constitutionnel des citoyens à la vie privée, qui est violé depuis des décennies à la suite de technologies de surveillance intrusives,” a précisé Mukasa. “Nous réclamons un processus législatif inclusif sur internet qui place les droits de l'homme au centre des préoccupations.”
Défendre les droits des internautes
En plus de promouvoir des pratiques et des politiques fondées sur les droits, l'organisation défend également les internautes persécutés à la police et dans les tribunaux. “Être solidaire des utilisateurs arrêtés a renforcé la confiance et la résilience entre eux,” a déclaré Mukasa.
Leur travail implique également le niveau judiciaire, qui "en Ouganda fait partie des organes du gouvernement. Ils interprètent toutes les lois répressives, déterminent les cas qui sont liés à internet et utilisent également la technologie. Ainsi, à moins que les personnes de ce secteur ne comprennent le concept de technologie et de droits humains, les violations ne peuvent que se poursuivre”.
Quand interrogée sur les aspects les plus difficiles de leur travail, sa réponse a mis en évidence les lignes rouges en ce qui concerne les structures de pouvoir du pays. "Les sujets concernant l'armée et la famille présidentielle sont considérés comme sensibles. Pourtant, ce sont des fonctionnaires ; l’épouse du président est un ministre et leur premier fils est un général de l’armée. Ils devraient donc tous être tenus responsables de leurs actes”, a-t-elle souligné.
“Alors que nous combattons la surveillance, nous avons découvert que les fonds publics déguisés en allocations d’état sont utilisés pour acheter du matériel de surveillance souvent géré par la sécurité et utilisé pour violer les droits de l’homme. Donc, rechercher la transparence et la responsabilité est toujours un défi et un risque pour le personnel et l’organisation”, a-t-elle ajouté.
Pour plus d'informations sur Unwanted Witness, visitez leur site web suivez les sur Twitter.