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À tous les deux ans se tient la réunion rassemblant la totalité des organisations de la société civile membres de l’Association pour le progrès des communications (APC). Cette réunion aura lieu cette année début novembre à Rio de Janeiro, au Brésil, juste avant la tenue du deuxième Forum sur la gouvernance d’Internet (FGI II). Daniel Pimienta, président de Funredes, le membre dominicain du réseau de l’APC, a fait part de son intention de mettre à l’ordre la question de la diversité culturelle.


À tous les deux ans se tient la réunion rassemblant la totalité des organisations de la société civile membres de l’Association pour le progrès des communications (APC). Cette réunion aura lieu cette année début novembre à Rio de Janeiro, au Brésil, juste avant la tenue du deuxième Forum sur la gouvernance d’Internet (FGI II) qui se produira au même endroit. Daniel Pimienta, Président de l’Association Réseaux et développement Funredes, le membre dominicain du réseau de l’APC, a fait part de son intention de mettre à l’ordre du jour de l’assemblée la question de la diversité culturelle, et plus spécifiquement de la diversité linguistique.


La raison à la base de cette requête de monsieur Pimienta est simple et constructive. «Funredes travaille notamment sur le thème de l’intégration de la traduction automatique (par programme) dans les listes de discussion. Je souhaite voir la possibilité de les installer dans les listes de l’APC comme un moyen d’aide à l’intercompréhension entre les membres», de dire le spécialiste des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTICs) pour le développement. Il est vrai que ce ne sont pas tous les employés travaillant pour les organisations au sein du réseau de l’APC qui maîtrisent bien l’anglais, la langue majoritairement utilisée pour l’instant en ce qui a trait aux communications entre les membres. Il peut être très ardu pour certains d’entre eux de comprendre et aussi de s’exprimer aisément dans cet idiome qui n’est pas le leur, ce qui a pour conséquence présentement de les défavoriser au détriment de ceux maîtrisant suffisamment la langue de Shakespeare.


La diversité linguistique lors du Forum sur la gouvernance d’Internet


Le multilinguisme est l’une des caractéristiques principales d’un environnement web favorisant la diversité culturelle. Ce thème sera d’ailleurs abordé encore une fois cette année au Forum de la gouvernance d’Internet, notamment lors de deux ateliers intitulés Vers des standards internationaux pour un réel Internet multilingue et Solutions et répertoires interopérables et multilingues fournis par le web sémantique. Selon Daniel Pimienta, «la diversité linguistique est réellement un thème majeur. Il risque d‘être traité à Rio sous l’angle très restreint des IDN (International Domain Names), les noms de domaine dans d’autres représentations que celle anglophone, ce qui inclut bien sûr les diacritiques des langues latines (içi.com, año.org). C’est un progrès, mais c’est seulement un aspect d’une chaîne complexe de problèmes»


Et le multilinguisme n’est lui aussi qu’un élément favorisant un emploi des TICs pour un développement réellement humain. Il est important, voire essentiel, qu’un utilisateur puisse naviguer sur le web avec sa langue maternelle. La localisation d’une langue dans le monde numérique n’est pas aussi facile pour toutes les langues. L’anglais, par exemple, est d’ores et déjà parfaitement localisé, notamment parce qu’il ne recourt à aucun accent, mais aussi parce que le réseau s’est développé dans un environnement anglophone. Les langues latines éprouvent déjà plus de difficultés à cause du nombre d’accents utilisés. La tâche devient extrêmement ardue, voire impossible dans le cas des langues qui ne sont que de tradition orale, justement celles qui sont le plus en voie d’extinction et qui nécessiteraient rapidement leur imbrication dans le monde numérique pour leur permettre de subsister. Pour ces langues, une écriture doit être inventée afin de leur permettre d’accéder à l’existence virtuelle. Et on est encore loin d’une utilisation pleine et entière pour les gens issus de ces cultures, on ne parle ici que d’encodage. Créer un clavier, des logiciels de traduction etc. permettant une réelle appropriation des nouvelles technologies par ces populations relève encore du mirage. «Si j’obtiens la parole en plénière lors de l’IGF, ce qui est prévu, mon objectif sera justement d‘élargir le débat est de montrer la problématique sous un angle plus holistique.»


L’importance relative de la diversité linguistique dans les débats entourant la société de l’information


Lorsqu’on lui pose la question de la place laissée à la problématique du multilinguisme dans les forums abordant la société de l’information, monsieur Pimienta répond avec réalisme. Selon lui, ce thème s’insère «avec difficulté, malheureusement. Car au nom d’un “pragmatisme” qui voudrait qu’une langue s’impose comme moyen de communication global et parce qu’elle touche souvent des personnes qui justement sont exclues de la société numérique et ont donc du mal à profiter des moyens des réseaux pour appuyer leur lutte. Ce thème s’imbrique aussi avec ténacité cependant de la part des peuples “indigènes”, par exemple, et avec des résultats de sensibilisation de plus en plus notables (il y a une évolution très visible de la perception de cette problématique chez les profanes; les personnes acceptent de moins en moins les impositions dans le contexte global). La difficulté que je perçois, c’est plutôt celle de la petite taille de la population des personnes compétentes et motivées capables de s’articuler à distance. Pour le moins, un réseau est né dans la dynamique du SMSI, suite au sommet de Tunis: le réseau mondial MAAYA de la diversité linguistique, qui devient peu à peu un interlocuteur crédible et j’espère aussi un articulateur efficient.»


L’Unesco : beau travail, mais…


Depuis la fin du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l‘éducation, la science et la culture) a pris en charge l’avancement du thème de la diversité culturelle dans les sociétés des savoirs partagés. Au sein de l’agenda de Tunis, cette organisation s’est notamment vue attribuer l’accomplissement de la ligne d’action C8, à savoir tout ce qui a trait à la diversité et l’identité culturelle, à la diversité linguistique et au contenu local. Elle a travaillé très fort jusqu‘à maintenant pour réaliser cette tâche. Le 20 octobre 2005, par exemple, la Conférence générale de l’Unesco a adopté la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui est entrée en vigueur en mars dernier. Elle a aussi produit plusieurs documents pour mettre à jour l‘état de la question. On est donc en droit de se demander si l’Unesco n’a pas déjà suffisamment creusé la question de la diversité culturelle, et ce qu’il reste réellement à débattre. «L’Unesco a fait un excellent travail dans ce domaine… mais d’une part, le domaine est vaste et complexe, d’autre part l’Unesco touche surtout un public de spécialistes et il faut maintenant que ce thème passe à une audience plus importante pour que les avancées soient plus fortes », de dire pour conclure Daniel Pimienta



Document de l’UNESCO lors du Sommet de Tunis «Mesurer la diversité linguistique sur Internet»
Site du réseau mondial pour la diversité linguistique Maaya
«Internet, chance ou menace pour la diversité culturelle et linguistique ?», par Naila Amrous
«Quel espace reste-t-il dans l’Internet, hors la langue anglaise et la culture "made in USA"?», par Daniel Pimienta