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Michel LambertMichel LambertLe Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) est un forum multisectoriel unique qui permet aux organisations de la société civile de discuter avec les secteurs publics et privés des enjeux politiques liés à la gouvernance de l’internet.

Le FGI de 2015 s’est déroulé alors qu’Alternatives et l’APC co-exécutent un projet intitulé Création d’une culture des droits humains en ligne et de la sécurité numérique à travers le renforcement des capacités et du réseautage des défenseurs des droits humains dans la région du Maghreb et du Machrek.

Dans ce contexte, mon approche lors du FGI a été de suivre deux des principales thématiques qui ont été discutées durant cet évènement : L’Internet et les droits humains et La Cybersécurité et la confiance, que nous avons perçus comme directement reliés à notre travail en cours sur la sécurité numérique comme outil de soutien pour les défenseurs des droits humains.

Les objectifs d’Alternatives lors du FGI visaient également à utiliser le forum comme une occasion de mieux connaître certains des principaux acteurs du secteur afin de les intéresser à notre travail.

Finalement, j’espérais prendre part à la discussion concernant le projet de Forum social de l’Internet (FSI) afin d’essayer de mieux comprendre les idées derrière celui-ci et de décider si éventuellement Alternatives, en tant qu’acteur important dans le processus du Forum social mondial (FSM), devrait se joindre ou non à l’initiative du FSI.

L’Internet et les droits humains

J’ai été en mesure de participer à certains des ateliers et des présentations sur l’Internet et les droits humains. Bien que je doive avouer avoir beaucoup appris, je dois également mentionner que ce que j’ai appris a été un peu différent de ce que je m’attendais à apprendre lors du FGI. D’une certaine façon, il me semble que les plus profonds enjeux des droits humains demeurent, encore, essentiellement une inquiétude réservée aux acteurs de la société civile. À ma surprise, il m’a même semblé que la notion même de gouvernance multisectorielle ne soit peut-être pas autant un consensus établi que ce à quoi je m’attendais. Depuis que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a reconnu que l’accès à l’Internet et la liberté d’expression qui l’accompagne sont des droits fondamentaux, les enjeux de droits humains sur (l’)Internet s’arrêtent souvent à l’unique question de l’accès physique à l’Internet. Même si la plupart des acteurs impliqués discutent du besoin de protéger un Internet ouvert, fiable, sécuritaire, stable et inclusif, les enjeux autour de la transformation sociale derrière un simple accès à l’information partagée à travers l’internet apparaissent souvent comme des contradictions fondamentales. L’accès à l’internet est de plus en plus réduit par les secteurs privés et publics à l’accès aux services internet imposés par les grandes multinationales, qui imposent leurs lois, saturent la bande passante avec des applications sans avantages sociaux et nécessitant des logiciels propriétaires, et qui contrôlent le trafic.

En Français en particulier, il existe très peu de contenu sur les enjeux fondamentaux de l’inégalité en termes d’accès au numérique. Assurément, il y a beaucoup de travail pour l’APC à ce niveau.

La liberté d’information est un droit humain. Il fait également partie du droit fondamental de liberté d’expression qui permet de rechercher, de recevoir et de partager, sans considération des frontières, les informations et les idées à travers n’importe quel média, quel qu’il soit. La liberté d’information est également une condition préalable à la participation éclairée du public dans la gouvernance et le processus démocratique.

Au cours des dernières années, les restrictions à la circulation de l’information ont soulevé de nombreuses préoccupations. Les enjeux tels que l’augmentation de la surveillance, la sécurité privée et la protection des données des sources des journalistes et des défenseurs des droits humains ont soulevé de multiples débats. Mais encore une fois, du FGI, je suis sous l’impression que l’idée que l’internet pourrait être utilisée pour protéger les droits humains est reléguée derrière d’autres enjeux apparemment plus urgents tels que les questions de protection de la vie privée, la cybersécurité, la neutralité du réseau et d’autres prétendus problèmes émergents.

La Cybersécurité et la confiance

Les séances auxquelles j’ai assisté sur la cybersécurité mentionnaient beaucoup la nécessité de stimuler la confiance mondiale, promouvoir la stabilité internationale de l’internet et de renforcer la coopération dans la gouvernance de l’Internet mondial. Et sans négliger ces enjeux, il me semble que ce discours s’applique principalement au commerce et à l’économie et moins à la protection de la vie privée et des droits individuels.

Dans un contexte d’augmentation de la surveillance gouvernementale de l’internet dans la plupart des pays du monde, et plus précisément contre les droits des activistes, l’enjeu du droit à utiliser les outils de confidentialité (comme le cryptage) peut être considéré comme négligeable dans l’ensemble. Mais au contraire, le cryptage fort doit rester légal. Il faut défendre le droit à l’autonomie des journalistes, des activistes, des défenseurs des droits humains, des activistes pour l’égalité des genres, des activistes LGBT et autres.

Conclusions

Une simple conclusion est de dire que j’ai encore beaucoup à apprendre sur le processus du FGI ainsi que sur les enjeux qu’il soulève. Je suis cependant toujours ambigu sur ce qu’il faut croire de la réalité du processus de gouvernance multisectorielle.

Sur un niveau plus « quotidien », ma présence physique à João Pessoa a été très utile, car j’ai pu rencontrer de nombreux importants acteurs du secteur, y compris des représentants d’institutions canadiennes avec lesquels Alternatives avait été incapable de discuter durant les dix dernières années en raison du climat de peur imposé par notre précédent gouvernement conservateur.

J’ai également beaucoup discuté avec certains des tenants du Forum Social Internet. Bien que le lancement du projet n‘était probablement pas le meilleur (et il existe de nombreuses préoccupations de la part de diverses organisations), je crois que le processus doit être suivi par l’APC afin d’aider à renforcer le projet et de donner une voix plus forte aux acteurs de la société civile dans les autres processus globaux et multisectoriels.

Traduction : Isabelle L’Héritier