L’internet est un instrument transversal essentiel en matière d’éducation. Pourtant, son accès n’est pas réparti équitablement dans le monde, et la région Afrique fait partie de celles qui restent à la traîne pour connecter les écoles, les collèges et les apprenants non scolarisés, comme le révèle une étude menée par Internet Society. Dans le cas de l’Afrique de l’Est, cette situation affecte largement l’éducation, particulièrement pour les populations les plus vulnérables. C’est pour répondre à ce problème que l’organisation kenyane Arid Lands Information Network (ALIN) a monté le projet de proposer des ressources éducatives ouvertes aux enseignants et aux écoles.
« Le manque de connectivité limite les jeunes élèves », s’insurge le fondateur d’ALIN, James Nguo, à l’occasion d’un entretien avec APC. « Pour les enfants et les jeunes, cela ne signifie pas uniquement une capacité réduite de connexion à l’internet, cela les isole pour accéder au travail et limite leur compétitivité dans l’économie moderne. Voilà pourquoi il est si crucial de s’intéresser à cette question, » ajoute-t-il.
Grâce à une subvention d’intervention d’APC, ALIN a pu déployer et former entre 2021 et 2022 pas moins de 86 enseignants, facilitateurs et représentants du ministère de l’Éducation et de la Commission du service des enseignants dans les villages de Laikipia West (au Kenya) et du Kirima Sub County (en Ouganda). Le projet comportait un volet perspective de genre, garantissant la présence d’au moins 40 % de femmes parmi les éducateurs qui bénéficiaient du projet. Celui-ci, intitulé « Point d’accès communautaire à l’éducation et l’apprentissage pour les régions isolées », est mieux connu sous son acronyme anglais RACHEL (« Remote Area Community Hotspot for Education and Learning »).
Pourquoi des ressources ouvertes ?
« Les ressources éducatives ouvertes ont un coût plus abordable pour les communautés mal desservies, susceptibles de ne pas pouvoir couvrir davantage de frais de licences propriétaires pour les logiciels qu’elles utilisent. De plus, ce type de ressources a l’avantage de permettre aux communautés locales de les personnaliser pour les adapter en fonction de leurs besoins spécifiques, de les localiser et de les ajuster selon leur contexte culturel, » explique Bob Aston, le directeur de programmes d’ALIN. Il souligne d’ailleurs la composante collaborative et de réseautage de cette technologie : « La nature ouverte des technologies à code source libre et ouvert encourage la collaboration parmi les éducateurs, les apprenants et les développeurs, un point essentiel pour nos communautés. Il serait autrement impossible pour eux de se connecter sur les réseaux locaux et internationaux pour partager leurs expériences, leurs ressources et leurs meilleurs pratiques, » indique-t-il.
« Tout appareil pourvu d’un navigateur peut se connecter à RACHEL, qui a été spécialement conçu pour l’enseignement et les études hors connexion. Aussi bien les enseignants que les étudiants et les personnes en auto-apprentissage peuvent l’utiliser, quel que soit leur âge, sans dépendre d’un accès à l’internet, rare en zone isolée, » explique Aston quant au mode de fonctionnement du système. « Les serveurs ont des batteries qui peuvent durer cinq heures et ils proposent du contenu éducatif pré-installé qui vient de KA Lite, Wikipedia pour les écoles, Moodle, GCF LearnFree.org, PhET, Blockly Games et d’autres ressources éducatives développées par le Kenya Institute of Curriculum Development. »
Pour permettre aux enseignants, aux facilitateurs et aux élèves de saisir autant que possible les qualités de ces ressources éducatives pour l’enseignement et l’apprentissage, il était essentiel que le projet propose un volet renforcement des capacités. « L’autonomie est essentielle, d’où l’importance pour les enseignants et les médiateurs d’apprendre à inclure les technologies et contenus RACHEL dans leurs salles de classe et de continuer à créer, accéder, rediriger, adapter ou redistribuer les contenus numériques aux élèves, » déclare Aston.
« Nous avons reçu des retours très positifs de la part des enseignants. Lors des différentes évaluations proposées au cours du processus, la plupart des enseignants ont noté positivement leurs connaissances et capacités en matière de ressources éducatives suite à la formation, et c’est là notre indicateur le plus important, » indique-t-il.
Une contribution aux Objectifs de développement durable
RACHEL a, en tant que ressource éducative, un rôle essentiel à jouer dans Éducation 2030 et notamment pour l’objectif 4 de développement durable qui appelle la communauté internationale à « assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et de promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie » sur la base de ses piliers que sont l’accès, l’équité et l’inclusion.
« Nous contribuons également à la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui stipule que tout individu a des droits basiques inaliénables et des libertés fondamentales tels que le droit de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit (Article 19) ainsi que le droit à l’éducation (Article 26), » souligne Nguo. Il ajoute le droit « à la promotion des principes essentiels de la Déclaration africaine des droits et libertés de l’internet, en particulier l’accès et l’accessibilité à l’internet, le droit à l’information, le droit au développement et l’accès au savoir, les groupes marginalisés et les groupes à risque, et l’égalité entre les hommes et les femmes. »
Une prise de conscience parmi les décideurs politiques et les dirigeants éducatifs
Le travail d’ALIN consiste également à sensibiliser les décideurs politiques et les dirigeants éducatifs, tout comme les enseignants et les élèves, à l’intérêt de ces compétences et ressources. « Ce projet a renforcé notre ministère de l’Éducation en dotant les élèves d’une éducation aux technologies numériques, l’une des compétences au cœur du nouveau Programme basé sur les compétences, » indiquent des représentants du ministère, Ol-Moran et Sipili Zone, dans une lettre de reconnaissance envoyée à l’organisation.
« Il s’agit-là de l’un des piliers du Plan stratégique d’ALIN pour 2022-2027, » observe Nguo. « Notre but est la transformation numérique de la région, école par école, grâce aux TIC pour l’éducation, ce qui explique pourquoi nous sommes actuellement à la recherche de nouvelles sources de financement pour soutenir davantage d’écoles. »
Cet extrait est tiré des informations fournies par ALIN dans le cadre du projet « Point d’accès communautaire à l’éducation et l’apprentissage pour les régions isolées », adaptées pour la chronique « Semer le changement ». Cette chronique présente les expériences de membres et partenaires d’APC qui ont bénéficié de financement proposé dans le cadre du programme de subventions secondaires d’APC, avec le soutien de Sida, ou de nos autres subventions secondaires proposées dans le cadre d’autres projets d’APC.
Cette histoire vous a insipiré·e à semer les graines du changement dans votre communauté ? Partagez votre histoire avec nous à l’adresse communications@apc.org
Photo : Courtoise d’ALIN.