Código Sur regroupe des personnes provenant de différents mouvements sociaux qui cherchent à développer et socialiser les communications. L’organisation croit en un nouveau modèle de production de connaissances et de construction culturelle, possible à condition de résister aux processus de privatisation de la vie, de la connaissance, de la communication et de la culture. Elle offre donc des services qui utilisent des technologies libres et sûres pour les organisations, les mouvements et les collectifs qui œuvrent pour la promotion des droits humains, l’écologie, les communications, la technologie, les libertés individuelles et collectives et les processus d’émancipation. Ils sont basés au Costa Rica et au Honduras, et travaillent beaucoup plus en Amérique centrale, offrant des services dans toute l’Amérique latine. En juin 2017, ils ont rejoint le réseau APC.
APCNouvelles : Código Sur propose de socialiser les communications, un point essentiel pour le développement au Costa Rica et dans le reste de l’Amérique latine. Quand et comment avez-vous décidé qu’il s’agissait-là d’une question vitale au développement régional ?
Código Sur : Notre travail auprès des organisations et mouvements sociaux d’Amérique latine nous a obligés à apporter une réponse technique aux besoins du mouvement social qui mise sur une certaine décolonisation des logiques hégémoniques et néolibérales. C’est au vu des limitations dans l’accès aux télécommunications et des difficultés pour exercer pleinement la liberté d’expression dans la région que nous avons été amenés à apporter notre grain de sable, inspirés en cela par la culture et la connaissance libre.
APCNouvelles : Quelles sont les principales priorités en matière de droits de l’internet en Amérique latine, étant donné les énormes défis qui se posent dans la région ?
CS : Nous pensons que de grandes lacunes subsistent dans la protection de la vie privée et de données personnelles, la surveillance, la liberté d’expression, l’accès à l’internet, les lois autorisant la participation citoyenne, et que la coopération internationale est à développer.
APCNouvelles : Pourquoi votre siège se trouve-t-il au Costa Rica? Y a-t-il des enjeux ou des opportunités spécifiques au contexte costaricain ?
CS : L’organisation a été fondée au Costa Rica, et nous travaillons très dur avec les organisations syndicales mais le Costa Rica n’était pas le seul présent lors de la formation de l’organisation ; en fait l’idée était de se trouver en Amérique centrale et de pouvoir accompagner d’autres organisations de la région Amérique latine.
Actuellement nous nous trouvons également au Honduras dans un espace appelé « Barracón Digital » [le « baraquement numérique »], mais nous y gardons un profil bas en raison du contexte dans lequel nous nous trouvons. Le Honduras est un pays qui a énormément besoin de solidarité internationale, où les organisations sociales doivent lutter quotidiennement contre la violence et la criminalisation de la défense des droits. Le pays se trouve en effet dans une zone fragile et reste dans la ligne de mire de plusieurs mécanismes internationaux de protection des droits humains. Entre la criminalisation de l’exercice du travail de journalisme et l’assassinat de nombreux journalistes et professionnels de la communication, l’hostilité vis-à-vis de la liberté d’opinion et d’expression reste constante depuis 2009, date à laquelle les moyens de communication numériques ont subi une censure électronique, avec le blocage de l’accès à des plateformes entières et notamment Wordpress. Suite au coup d’État, durant la crise politique, la transmission sur des stations de radio en ligne et la publication de médias alternatifs ont permis l’essor des médias alternatifs qui tournaient en dérision cette emprise sur les médias au Honduras.
Aujourd’hui le plus grand défi reste la criminalisation des activités journalistiques et les menaces contre l’intégrité physique et la vie de journalistes, qu’ils travaillent pour des journaux commerciaux ou indépendants. Les plaintes d’acteurs puissants pour délit de diffamation et calomnie et les interdictions de travailler sont de plus en plus courantes dans le pays. On signale également une hausse des attaques cybernétiques destinées à museler les médias numériques alternatifs. La plupart des organisations, collectifs et défenseur-e-s des droits humains sont exposés à des attentats à l’encontre de leur vie et de leur intégrité physique, la criminalisation et les attaques en ligne. Les femmes, les peuples indigènes et les personnes d’ascendance africaine sont les plus vulnérables face aux violations des droits humains dues à l’inégalité. L’assassinat de notre collègue Berta Caceres du COPINH marque un avant et un après dans le travail de la défense des droits humains dans le pays et dans le monde, et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles nous nous solidarisons avec les organisations du pays.
APCNouvelles : Pouvez-vous nous donner un exemple d’initiative ou de projet ayant réussi grâce à votre travail ?
CS : La revue Pillku a été une vraie réussite ; cette revue en ligne est en effet une manière d’exercer le droit à la liberté d’expression et de partager tant la culture que la connaissance. Il s’agit d’un pari de construction d’un espace collaboratif de débat sur la culture libre et les biens communs à partir des expériences en Amérique latine, dans le but de contribuer à la construction d’une société basée sur la liberté de partager et sur la richesse de transformer. Cette année nous travaillons sur les genres et identités dans le réseau pour la nouvelle édition.
APCNouvelles : Et pouvez-vous nous donner un exemple du principal obstacle ou défi auquel vous êtes confrontés dans votre travail ?
CS: Nous travaillons actuellement au Honduras, où les difficultés sont nombreuses dans un tel contexte de violence et d’insécurité, en commençant par les défenseur(e)s des droits humains et de l’environnement qui ne disposent d’aucune protection pour réaliser leur travail de défense des droits.
APCNouvelles : Pour quelles raisons avez-vous rejoint APC ? Comment pensez-vous qu’APC pourra aider Código Sur et comment avez-vous l’intention de contribuer au travail du réseau ?
CS : Nous connaissons le travail d’APC et nous avons toujours pensé faire partie du réseau, d’autant plus que des organisations amies en faisaient elles aussi partie, et c’est ce qui nous a motivés à rejoindre APC.
Contribuer au travail du réseau d’APC… nous imaginons une collaboration entre pairs, la solidarité avec des organisations qui travaillent dans les mêmes domaines d’APC comme l’infrastructure du web, l’accès à l’internet, les campagnes, l’internet féministe, la protection numérique… une certaine solidarité entre organisations qui établit un cadre pour le renforcement du travail et du réseau.
APCNouvelles : Avez-vous un message à faire passer à la communauté d’APC ?
CS: Nous avons besoin de plus de solidarité et de réseautage. Il y a de nombreux défis dans notre région et nous ne pourrons affronter les problèmes du présent et de l'avenir que si nous sommes unis .
Image: obtenue de la revue Pillku , un des projets de Código Sur.