Vêtue d’un sari dénotant son origine aisée, une indienne manifestement familiarisée avec l’économie et la technologie, expliquait le fonctionnement de toeholdindia.com. C’était il y a quelques années déjà, avant que le Web2.0 ou tout outils similaire n’arrive parmi nous. toeholdindia.com est un site web – il a été construit avant l’ère du Web2.0 — basé sur les créations de chaussures des artisans indiens, qui cherche à les moderniser et à les vendre sur un marché mondial.
Alors est-ce que ça marche? L’internet et particulièrement le Web 2.0 peut-il vraiment aider les pauvres à combattre leurs problèmes urgents ? Ou bien est-ce en grande partie juste du battage publicitaire ?
[ Selon la wikipedia, le terme « Web 2.0 » se réfère à une « seconde génération de la conception et du développement du web, qui vise à faciliter la communication, sécuriser le partage d’information, l’interopérabilité et la collaboration sur la toile mondiale ». Mais pour la plupart des gens, c’est plus simplement des sites et des outils interactifs de réseautage social où ce sont les usagers qui fournissent l’information comme sur Facebook, Youtube et autres.]
Prenez quelques exemples qui ont récemment attiré l’attention :
- Dans le cadre d’une recherche menée par GINKS au Ghana, une application internet (le kiosque d’information Ekumfi Atakwaa) a été développée pour intégrer des vidéos en ligne sur les pratiques agricoles pour les agricultrices d’une petite communauté. GINKS est l’acronyme de Ghana Information and Knowledge Sharing Network (Réseau ghanéen pour l’information et le partage de connaissances).
- Le film britannique de 2008 du réalisateur Danny Boyle qui a gagné 8 prix académiques s’est taillé une réputation mondiale. Mais peu de gens savent que derrière ‘Slumdog Millionnaire’, il y a un roman écrit par un diplomate indien qui avait tiré son inspiration d’une expérience dans un bidonville de Delhi)#Inspirations. De jeunes enfants avaient appris eux-mêmes à utiliser les ordinateurs sans l’aide d’enseignants externes.
- En septembre 2008, Youtube, l’influent site de partage de vidéos, ainsi que des organisations participantes à but non lucratif, ont demandé aux membres de la communauté Youtube de s’assurer que les dirigeants du monde tiennent leurs promesses envers les citoyens les plus pauvres du monde.
Les sites de réseautage social « contre la pauvreté »
L’internet est aujourd’hui considéré au mieux comme un espace dominé par la classe moyenne, en raison du coût prohibitif de la connexion, spécialement dans les pays en voie de développement. Les choses sont-elles sur le point de changer ?
À présent, même les sites intégrés de réseautage social comme Facebook commencent à prendre en compte des questions anti-pauvreté. Cependant, des doutes subsistent quant au degré d’efficacité et d’impact réel que ces types de campagnes pourraient avoir. Il s’agit malgré tout de bonnes intentions.
Des groupes se forment sur Facebook pour « combattre la pauvreté mondiale » et promettent qu’ils feront un don de 1 dollar pour chaque personne qui rallie le mouvement. Au dernier décompte, 357 040 membres avaient signé.
Un autre groupe de Facebook vise plus spécialement la Journée mondiale de la pauvreté (le 17 octobre). Alors que son objectif est d’atteindre un million de membres, il n’en compte que 5%.
Mohit Garg, ingénieur électricien indien, a fait part à APC des initiatives de Web 2.0 qu’il préfère. Il s’agit de Kiva (qui permet de prêter de l’argent à un entrepreneur spécifique dans un pays en développement afin de contribuer à mettre fin à la pauvreté), MicroPlace (pour investir dans les moyens de subsistance des personnes, pas faire de la charité), RangDe.org (où les emprunteurs rencontrent les investisseurs sociaux), dhanaX (prêt social) et Drishteehaat (commerce équitable).
Commentaires d’Edwards Addo-Dankwa, dans une contribution en ligne : « la question de savoir si le Web 2.0 est un nouveau développement ou un ensemble recyclé d’outils existants n’est pas pertinente pour beaucoup de personnes dans la catégorie des pauvres du monde. Pour ces gens, le plus important est de savoir si ces outils peuvent réellement réduire leur pauvreté…. Je pense que nous devrions explorer les possibilités d’utiliser ces outils pour effectivement accroître les moyens de subsistance des producteurs et des commerçants pauvres, qui sont les plus nombreux ».
Les groupes défavorisés utilisent-ils le Web 2.0 ?
Azur Développement, membre d’APC au Congo, utilise les outils du Web 2.0 – par exemple, le blog et le site de partage de photos – pour son travail d’autonomisation des femmes indigènes et de leurs familles au Congo. Le blog donne des informations sur les groupes indigènes appelés pygmées qui sont marginalisés au Congo, parle des activités menées et des actions à réaliser. « Il s’est avéré un bon outil de plaidoyer, nous aidant à mobiliser les sympathisants et à lever des fonds », déclare Blanche Zissi d’AZUR Développement.
Ron Wertien, Sud-africain, indique que « “le laboratoire vivant de Siyakhula”:http://www.dwesa.org/ », est un réseau expérimental centré sur l’utilisateur. Il a été créé par les universités de Fort Hare et de Rhodes dans l’ex Transkei dans le but d’examiner de façon pratique l’usage des TIC pour appuyer le développement. Il est en grande partie basé sur le développement d’application Web 2.0, étant donné que celui-ci est idéal pour un usage de l’internet centré sur les utilisateurs. »
“Facebook, par exemple, a été adopté par quelques-unes des communautés [de réfugiés] avec lesquelles nous avons travaillé, indépendamment de notre implication. Y compris les Karen de Burma… », ajoute Andrew Garton d’APC.au en Australie.
Mais alors que les microprojets peuvent servir de vitrine impressionnante, la vraie question est simplement la suivante : quel impact le Web 2.0 a-t-il réellement sur le scandale du 21e siècle qu’est la pauvreté ?
Dans des endroits comme l’Inde – où vit actuellement un tiers des pauvres du monde – il est clair que ce sont les sections plus favorisées et urbaines qui sont les premières et les plus ferventes adeptes de l’utilisation de l’internet, y compris des outils Web 2.0.
Citons un exemple de situation qui a réussi à prendre de l’ampleur suite à une campagne sur l’internet. Des femmes urbaines ont défié des groupes de fondamentalistes qui essayaient de frapper les femmes voulant entrer dans les bars, et ont donc coordonné une campagne de protestation sur Facebook et par le biais de blogs – laquelle impliquait l’envoi de ‘culottes roses’ aux groupes fondamentalistes – qui a fait la une des journaux dans le monde. Si bien qu’on se demande si des questions beaucoup plus sérieuses comme la pauvreté pourraient un jour attirer une telle attention.
Steve Eskow, rejoignant un débat tenu récemment sur le sujet dans le réseau BytesForAll déclare que : « Si…. vous voulez parler de l’utilisation des « outils Web 2.0 » pour influencer directement les pauvres eux-mêmes, il se peut que la réponse à votre question soit ‘non’ [les pauvres n’utilisent pas eux-mêmes le Web 2.0]. Cela aiderait probablement de souligner le fait que ceux qui travaillent contre la pauvreté auraient peut-être de meilleurs résultats s’ils parlaient d’abord du “contexte” plutôt que de la “technologie”.
Continuons de rêver. On ne sait jamais ce qui deviendra réalité
Le rêve d’Edward Cherlin : « Je propose que nous créions un réseau de réseaux regroupant un milliard d’enfants et leurs enseignants, familles et amis – à peu près tous les pauvres du monde, et la plupart des riches. Ils peuvent s’interconnecter pour des raisons éducatives, sociales, commerciales ou autres. Je leur laisse le choix. »
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Photo par “Hudaster”:http://www.flickr.com/photos/hudaster/