De 2016 à 2019, nous avons travaillé pour impliquer les activistes des droits des femmes et des droits sexuels dans les politiques et le développement des TIC et de l’internet, qui sont des questions féministes. Quelles ont été nos avancées en ce sens ? Découvrez-les !
Favoriser l’adoption et adaptation des Principes féministes de l’internet
Ces quatre dernières années, APC a contribué à la restructuration du mouvement féministe à l’ère du numérique.
Nous avons, à travers notre travail auprès de nos réseaux et partenaires et ce qu’ils nous ont appris, continué à soutenir l’engagement des mouvements de femmes dans les politiques relatives aux technologies numériques. Suivant l’orientation fournie par nos Principes féministes de l’internet (PFI), nous avons cherché et encouragé de nouvelles manières de s’organiser de façon à faire évoluer la déjà riche histoire des mouvements féministes et des droits sexuels pour renouveler les tactiques, l’énergie et les résultats. Notre travail a eu une incidence tant sur les politiques que sur la pratique de ces mouvements à l’ère du numérique. Des projets et des campagnes comme Réapproprie-toi la technologie! (TBTT), EROTICS, le réseau de recheche sur l’internet féministe (FIRN), les conversations urbaines PFI et les échanges technologiques féministes (FTX), ainsi que l’organisation de nombreux ateliers et événements sont à l’origine de recherches et d’analyses des priorités dans un contexte en pleine évolution, et ont permis de développer les compétences, les capacités et la confiance nécessaires à l’utilisation des technologies liées à l’internet et à un engagement qui réponde aux besoins et réalités des activistes des droits des femmes, des droits sexuels et du féminisme. En 2019, les PFI ont servi de principes fondateurs de trois réunions régionales et sous-régionales en Asie du sud-est, en Asie du sud et en Afrique. Ces réunions ont permis de relancer la confiance, imaginer de nouvelles tactiques et stratégies politiques, et donner une visibilité au travail important réalisé par les acteurs féministes. Il a en outre été très intéressant de voir comment un collectif féministe mexicain travaillant à niveau local a créé un nouveau principe, lié à la question de l’environnement.
Avec les Principes féministes de l’internet, nous avons fait évoluer le débat vers des priorités d’ordre technologique.
Nos PFI ont servi à recadrer le débat sur le genre et les technologies lors de nombreux événements, débats et forums, notamment aux rencontres d’Imagine a Feminist Internet et TBTT, dans les espaces de piratage et les ateliers sur la sécurité numérique.
Ce que nous appelons les « conversations urbaines PFI » (« FPI Urban Conversation » en anglais) est une méthodologie permettant à nos partenaires de créer des espaces pour étudier les PFI et les comparer selon des contextes spécifiques. La première conversation a eu lieu à Beyrouth en 2016, et le débat a continué parmi nos membres, partenaires et collaborateurs dans des pays comme la Bosnie-Herzégovine, l’Afrique du sud, l’Argentine, le Zimbabwe ou encore la Malaisie. Un moment important pour les PFI a eu lieu lors d’une conversation de trois jours organisée au Mexique en 2019, où nous avons commencé à élaborer un Principe féministe relatif aux questions environnementales, et plus particulièrement sur la relation des industries d’extraction avec les technologies et l’internet.
Notre participation au Forum 2016 de l’AWID, « Feminist Futures: Building Collective Power for Rights and Justice » [Futurs féministes : Créer un pouvoir collectif pour les droits et la justice], qui s’est tenu à Costa do Sauípe au Brésil, a été pour nous une intervention importante. Le PDF a réuni une équipe de plus de 25 membres et membres du personnel pour y participer, et a organisé un pré-événement d’une journée pour « Imaginer un internet féministe » avec des débats sur le féminisme et les technologies axés sur les PFI. APC a également accueilli le Feminist Internet eXchange Hub pour placer le féminisme, dans toute sa diversité et sa créativité, au cœur de l’engagement en faveur des technologies, rassemblant les activistes, les chercheur.e.s et les informaticien.ne.s présent.e.s au forum et les faire travailler dans le sens d’un internet féministe. Le Hub a accueilli pas moins de 25 sessions pendant le Forum de trois jours, et les événements d’APC ont attiré plus de 70 participant.e.s de 33 pays.
Au cours de cette période, le principal site web des technologies féministes, GenderIT.org, a renforcé les voix des activistes féministes dans le monde, a donné une meilleure visibilité et davantage de répercussions aux activités des projets.
GenderIT.org, une ressource en ligne dont le but est de contribuer à façonner notre perspective féministe sur l’internet, constitue un soutien essentiel pour notre activisme en faveur du genre et des droits sexuels. C’est un espace ouvert à la diversité des points de vue et opinions féministes, qui permet de partager les informations concernant les projets, notamment les activités, les nouvelles et la recherche. En 2019, en plus de ses mises à jour quotidiennes, GenderIT.org a publié des éditions spéciales en anglais et en espagnol sur le genre et la sexualité dans les politiques de l’internet, sur l’éthique féministe dans la recherche, et sur les PFI et les réseaux communautaires, ce qui a attiré des milliers de lecteurs et de lectrices à travers le monde.
Créer et renforcer les alliances inter-mouvements relatifs aux droits des femmes, de l’internet et des politiques de TIC
APC a contribué à faire prendre conscience de la violence de genre en ligne dans le monde, et a renforcé la capacité des activistes à combattre la violence de genre sur l’internet.
Nous avons repoussé la violence de genre en ligne grâce à des formations, des campagnes, des réunions, des cercles d’apprentissage, mais aussi le plaidoyer politique, qui a ouvert la voie à une démarche plus sensible au genre dans les politiques liées à l’internet, tant à niveau national que mondial.
Notre Programme pour les droits des femmes (PDF) et son réseau travaillent depuis plus de dix ans pour que la violence de genre en ligne soit considérée comme une question importante pour les femmes et les filles partout dans le monde. Ces efforts ont eu pour conséquence qu’aujourd’hui, la sécurité des femmes en ligne soit devenue un sujet de préoccupation dans les forums nationaux et mondiaux, les espaces et débats de politiques, ainsi que dans les résolutions innovantes de l’ONU relatives à la violence de genre en ligne (voir plus haut la section « Droits »).
Avec sa campagne créative, en ligne et hors ligne, menée chaque année lors des 16 jours d’activisme contre la violence de genre, et une série d’ateliers et de rencontres avec les féministes partout dans le monde, la campagne TBTT a permis de faire prendre conscience de la question de la violence à l’égard des femmes liée aux technologies, de travailler envers la résilience parmi les activistes et de lutter pour une plus grande sécurité sur l’internet. Toutes ces années, les membres d’APC ont contribué à la campagne par le biais d’interventions créatives, notamment One World Platform, Centre for Information Technology and Development (CITAD), Colnodo, Foundation for Media Alternatives, Bytesforall Bangladesh, Derechos Digitales, Media Matters for Democracy, Point of View, Sulá Batsú et WOUGNET.
Le 10è anniversaire de TBTT en 2016 a été un moment important, avec une campagne intitulée « Notre histoire collective : Les femmes qui ont forgé les technologies ». Les actions menées pour les 16 jours d’activisme en ligne et hors ligne ont été menées dans pas moins de 25 pays, touchant plus de quatre millions de personnes.
TBTT a également offert des formations pour répondre aux besoins des activistes en informatique. Plus récemment, en 2018, nous avons réuni les activistes de la campagne du monde entier pour une rencontre mondiale de TBTT parallèlement à un échange technologique féministe (FTX) au Népal. La rencontre a injecté de nouvelles idées dans un mouvement à la recherche de nouvelles voix et de démarches créatives pour répondre aux défis et aux opportunités qu’apportent les nouvelles technologies (Lisez une lettre d’amour illustrée pour la rencontre mondiale de TBTT, un récit sur comment fabriquer votre propre héros et diverses réflexions sur la créativité féministe et comment prendre soin de nous, en anglais)
En 2019, en partenariat avec le projet Enough d’Oxfam, TBTT a piloté les cercles d’apprentissage féministes. Il s’agit d’espaces virtuels pour imaginer des stratégies et expérimenter les technologies en s’amusant dans le but d’examiner les différentes possibilités de l’internet pour l’activisme. Les cercles d’apprentissage encouragent l’exploration des technologies, l’expérimentation sur des logiciels à code source ouvert et le savoir ouvert, l’amélioration des compétences informatiques dans un environnement amusant, positif et sûr pour les femmes, les personnes de tous les genres et la communauté LGBTIQ+.
Ces quatre dernières années, les membres d’APC en Afrique ont créé une base de connaissances sur les types de violence en ligne auxquels les femmes du continent sont confrontées et sur la manière dont ce type de situation engendre l’exclusion des femmes de toute participation en ligne. Cette recherche a permis d’impliquer les décideurs politiques et les acteurs gouvernementaux à travers des tables rondes, des ateliers et des réunions multipartites. En 2019, l’événement Making a Feminist Internet: Movement Building in a Digital Age in Africa [Créer un internet féministe (MFI) : Renforcer le mouvement à l’ère du numérique], organisé par le PDF et son projet Toutes les femmes comptent : Réapproprie-toi la technologie! (AWC-TBTT), a rassemblé les activistes, les chercheur.e.s et les féministes de toute l’Afrique pour étudier les expériences des femmes et des personnes queer en matière de technologies et d’internet en Afrique. La rencontre MFI Afrique a renforcé notre compréhension de la violence de genre en Afrique, en particulier sur les différentes manières pour la violence de se manifester et de se transformer sur le continent. Cet événement a également offert un espace de réflexion sur les objectifs de notre travail au MFI, et sur les manières de renforcer et d’investir la passion et l’engagement des organisations féministes, des collectifs et des personnes pour répondre à l’augmentation de la violence de genre en ligne en Afrique.
L’utilité de notre travail réalisé au Mexique a été reconnue en 2016 avec le Prix Womanity pour la prévention de la violence à l’égard des femmes octroyé à TBTT et aux collectifs mexicains de médias féministes Luchadoras et Sandía Digital. Ce prix a pour but de renforcer les réponses constructives et positives face à la violence de genre. Les collectifs se sont réunis pour le projet TBTT Mexique de trois ans, lancé en 2016 et organisé selon le thème « Siemprevivas : Acción y Tecnología ». La campagne consistait à suivre une démarche basée sur des actions de terrain en fonction de la réalité et des forces de chaque contexte, et sur le pouvoir des réseaux de s’organiser pour le changement. La vidéo « Les femmes façonnent le web » préparée pour le prix Womanity présente la vision partagée de l’application de TBTT au Mexique
APC a réconcilié le féminisme et la recherche en matière de technologies.
En 2017 notre étude pour cartographier le genre et les technologies numériques a mis en évidence les lacunes de la recherche en matière d’égalité de genre liée aux technologies dans les pays à revenu moyen et bas, et les répercussions sur le développement de politiques et de décisions liées à l’internet, en particulier pour répondre aux besoins des femmes et des personnes queer et de divers genres. En 2018, en collaboration avec le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), nous avons lancé le Réseau de recherche sur l’internet féministe (FIRN - Feminist Internet Research Network) dans le but de combler ce vide.
Le réseau regroupe des chercheurs du monde entier, surtout originaires de l’hémisphère sud, afin d’étudier de nouvelles approches de recherche numérique fondées sur les PFI, des pratiques de recherche et des valeurs féministes. Il vise à combler les lacunes dans la recherche sur l’internet féministe, et s’intéresse en ce sens aux dynamiques de pouvoir et aux inégalités sociales. Cela implique de faire émerger depuis l’hémisphère sud des perspectives intersectionnelles souvent marginalisées, en termes de race, de caste, de religion, de classe sociale, de sexualité ou de genre. Le travail du réseau porte sur des questions qui vont de l’accès effectif à la mise en données ou datafication, en passant par la violence en ligne basée sur le genre et le télétravail.
En 2019 le réseau a organisé sa première rencontre avec huit chercheur.e.s sélectionné.e.s pour faire partie du projet FIRN, six conseillers pairs, les donateurs et les médiateurs. À cette occasion, le réseau a réussi à créer un document sur les principes éthiques collectifs de la recherche féministe et les domaines de changement à la base des valeurs du réseau.
Nous avons augmenté le soutien financier pour les droits sexuels et des femmes en ligne à travers notre plaidoyer constant auprès des bailleurs de fonds.
Le PDF a engagé les donateurs à un effort stratégique sur une période de quatre ans pour financer gratuitement les ressources nécessaires aux interventions en faveur des droits sexuels et des femmes dans le monde. Nous avons ainsi participé à la réunion stratégique du Programme des droits des femmes de la Oak Foundation en 2017, et nous avons organisé cette même année des séances d’introduction à la sécurité numérique lors de la rencontre mondiale de Prospera, un réseau international de fonds pour les femmes. Nous avons également initié une enquête approfondie sur les risques liés aux technologies avec des partenaires subventionnés, pour le programme des droits des femmes de la fondation Open Society (OSF). Le succès de cette expertise-conseil a conduit l’OSF à nous proposer des fonds pour les petites subventions de quatre de nos partenaires pour notre réseau FTX de formateurs en sécurité numérique féministe, et mettre en œuvre et localiser notre programme de formation FTX: Safety Reboot en 2019.
Ces interventions sont à l’origine de prestations de conseil en sécurité numérique auprès de Prospera, lors desquelles le PDF et nos partenaires régionaux ont apporté leur soutien aux membres de Prospera pour renforcer leurs connaissances et compétences en sécurité numérique. Quatre formations sur la sécurité numérique ont eu lieu en 2018 et 2019, une par région (Asie, Afrique, Europe et Amérique latine). Ces efforts ont suscité davantage d’adhésion de la part des organismes qui financent les droits humains quant à l’importance des droits numériques, et ont contribué à élargir la communauté internet féministe. Cela a d’ailleurs été mis en évidence par la collaboration entre donateurs et organisations lors de l’événement mondial Making a Feminist Internet: Movement Building in a Digital Age qui s’est tenu en Malaisie en 2017 avec la présence d’AWID, Astraea, CREA, the FRIDA Young Women's Fund, Mama Cash et Urgent Action Fund. Cet événement, le premier de ce type, a attiré 84 participants originaires pour la plupart de l’hémisphère sud, pour traiter de sujets aussi divers que les droits humains, les droits des femmes, les droits sexuels et la sécurité numérique.
Découvrez ici plus d'informations sur nos avancées entre 2016 et 2019.