GEM est une méthodologie d’évaluation qui intègre une analyse du genre dans les évaluations des initiatives faisant appel aux TIC pour le changement social. C’est un outil d’évaluation qui permet de déterminer si les TIC améliorent vraiment ou empirent la vie des femmes et les relations de genre et qui promeut également le changement positif aux niveaux individuel, institutionnel, communautaire et à un niveau social plus général.
Le GEM a été créé à partir de la base, en collaboration avec des centaines d’organisations communautaires et de particuliers depuis sa conception en 2002. Le réseau actuel comprend des gens qui ont créé le GEM, qui assurent la formation sur son utilisation, qui l’adaptent (pour élargir sa pertinence aux projets ruraux de ICTpD, aux télécentres, à la localisation des logiciels et au plaidoyer pour les politiques de TIC) et qui offrent les évaluations de GEM à titre de consultants.
Ce que le réseau pense du GEM
Photo: La fondation était au départ un programme de micro-crédit offrant des prês aux femmes locales. Les TIC sont essentielles à leur travail et Fantsuam a été impliquée dans le procesus d’adoption de GEM depuis ses débuts. Photo par la fondation Fantsuam
Les rapports confirment que le GEM apporte un véritable changement de mentalité parmi les évaluateurs et les utilisateurs eux-mêmes et que cette prise de conscience est permanente.
John Dada est un agriculteur, un infirmier et un coordonnateur à temps partiel à la fondation Fantsuam, qui est basée dans le Nigeria rural. La fondation était au départ un programme de micro-crédit offrant des prêts aux femmes locales. John était au courant de cet outil depuis plusieurs années, mais n’a pris conscience de son pouvoir qu’après l’avoir utilisé lui-même. Les TIC sont un élément fondamental de son travail et même si Fantsuam a fait partie du GEM depuis sa création, John n’y a participé directement que lorsqu’il a assisté à un atelier GEM pour des projets de télécentre et de TIC rurales en 2007. Voici ce qu’il en dit: « Je vois soudainement le GEM partout, dans tout ce que je fais. Je suppose que c’est ce que l’on veut dire par sensible au genre, le fait de ne plus tenir les choses pour acquises. On commence à comprendre pourquoi les femmes de notre communauté résistent parfois à l’autonomisation et veulent continuer de faire ce qu’elles ont toujours fait. Avant, cela me dérangeait et je pensais, « Ne voyez-vous pas que vous êtes opprimées? Ne voyez-vous pas que vous êtes privées de vos droits? » Maintenant je comprend que tout cela est le produit d’années de conditionnement et qu’il reste encore beaucoup à faire pour inverser la tendance. Avec le GEM, on retire tous les maquillages culturels, les concepts et les préjugés sociaux et on voit la situation telle qu’elle est. Et c’est seulement lorsqu’on comprend la vérité d’une situation que l’on peut apporter un véritable changement. Sinon, on ne fait que gratter la surface. Le GEM aide à voir la situation telle qu’elle est afin de pouvoir optimiser les ressources pour obtenir le maximum d’impact dans la création du changement ».
Natasha Primo a animé un atelier GEM organisé par le CRDI pour ses bénéficiaires africains gérant des projets de TIC. Elle raconte comment elle s’en rendu compte de l’impact que le GEM pouvait avoir sur la mentalité des coordonnateurs de projets de TIC: « Les participants à l’atelier avaient des opinions très différentes sur le degré de sensibilité au genre de leurs projets. Certains ont carrément fait valoir que le genre n’avait rien à voir avec leur projet. Nous voulions faire comprendre à chacun que leur recherche avait pour but de rendre le monde meilleur pour les citoyens, les communautés ou les enfants et que s’ils ne reconnaissaient pas le genre et son incidence sur le vécu de leurs sujets de recherche, ils risquaient de pérenniser les inégalités.
« À mesure que les participants se sont penchés sur leurs questions de recherche, ils ont commencé à voir comment ils pouvaient intégrer – ou auraient pu intégrer dans certains cas – une optique de genre. Il y avait un participant en particulier qui semblait vraiment hostile au processus de l’atelier, mais après avoir retravaillé ses questions de recherche dans l’optique du genre, c’est lui qui a été le plus frappé par la forte incidence que pourrait avoir une réorientation de l’approche du projet pour permettre une plus grande participation des pouvoirs publics locaux et en particulier des processus budgétaires participatifs sur la capacité des femmes de s’impliquer dans leur gouvernement local en tant que citoyennes ».
« Pour le participant, son projet est passé d’un projet de gestion informatique assisté par logiciel à une occasion (perdue) de piloter un projet permettant d’approfondir le rôle des femmes dans les débats budgétaires locaux et d’influencer éventuellement le processus décisionnel. »
« Le GEM a complètement transformé notre réflexion sur la prise en compte du genre », a dit Sana Gul de PAN Localisation (PANL10n), Pakistan. PANL10n est une initiative régionale visant à développer des logiciels dans les langues locales des pays asiatiques. « On dit souvent de la localisation des logiciels qu’elle est indifférente au genre. Lorsqu’on a commencé à étudier l’intersection du genre et de la localisation, on avait à l’esprit l’utilisateur final. Le GEM m’a permis de voir les questions de genre tout au long du processus de localisation, dans la création des équipes de développement des logiciels, dans la langue utilisée pour la traduction et dans l’acceptation des logiciels par la communauté ».
Qui utilise le GEM?
En 2004, 103 femmes et dix-neuf hommes de 36 pays avaient suivi une formation sur l’application du GEM. Au cours des quatre années suivantes, seize organisations ont demandé une formation et plus de 300 personnes ont reçu cette formation dans le cadre des ateliers. En outre, depuis 2007, douze organisations adaptent le GEM dans quatre secteurs thématiques : application aux projets ruraux de TICpD, télécentres, localisation des logiciels et plaidoyer pour les politiques de TIC.
Image: Sur le Lac Victoria, le télécentre Buwama était principalement utilisé par des adolescents et des journalistes du poste de radio local. Suite à la formation GEM, les journalistes ont commencé à créer des programmes qui comprennent les perspectives des femmes et qui répond mieux aux besoins et aux intérêts des femmes locales. Les administrateurs du télécentre ont aussi commencé à offrir de la formation équitable en TIC et encouragent la participation de plus de 30 femmes. Photo par le PARF d’APC
Ces organisations sont notamment le CEPES, un membre d’APC du Pérou qui travaille dans les communautés rurales à l’ouest de Lima. Colnodo, un membre d’APC de la Colombie, travaille avec des centaines de municipalités et les aide à devenir plus transparentes en plaçant leur information financière en ligne et applique le GEM dans un certain nombre de télécentres publics. Les réseaux de télécentres aux Philippines, au Mali, en Colombie et en Ouganda apprennent comment leurs projets peuvent changer les rôles et les relations de genre dans leurs communautés. Un partenaire GEM de longue date a produit un guide sur le genre et la technologie au Bangladesh.
Une universitaire de Chhattisgarh, en Inde, a intégré le GEM dans son cours à l’université où elle travaille et a fait partie de la délégation d’APC au FGI qui s’est déroulé en Inde où elle a dirigé notre intervention pendant des consultations informelles avec des responsables du gouvernement indien.
On nous a également demandé des consultations sur le GEM. L’équipe GEM a effectué huit grandes consultations entre 2004 et 2008, allant de la formation d’appareils nationaux sur le genre sous les auspices de la Division des Nations Unies pour la promotion de la femme (UNDAW) en Afrique à l’intégration du genre dans la recherche et les projets de TICpD administrés par le ministère du Commerce au Cambodge.
Ce matériel a été adapté du Rapport sur le progrès d’APC 2004 – 2008. [en anglais]